Comme je n’ai ni lu, ni vu la version portée à l’écran par Jacques Audiard du salué De rouille et d’os marquant les débuts de Craig Davidson, j’ai sauté sur l’occasion de rattraper mes lacunes avec la sortie de Cascade.
Sauf que sous ce dernier titre, point de roman mais une série de sept histoires d’une trentaine de pages environ chacune. Férue du format que proposent les nouvelles, je ne suis donc pas surprise du style parfois abrupt qui peut laisser certains lecteurs sur leur faim ou au contraire couper rapidement court à tout espoir.
Et c’est le cas ici avec ces récits totalement piqués, aux rythmes effrénés, où l’on est plongé à vif dans le bain de catastrophes imminentes au réalisme déconcertant.
L’auteur aborde avec une plume concise, nette, telle un coup de poing, certains pans de la vie. Enfin plus précisément, il met en lumière (et clairement en pleins phares) les moments où tout peut basculer dans l’existence.
C’est non loin de Niagara Falls, une ville canadienne polluée construite sur d’anciennes décharges toxiques, que l'on suit une jeune femme qui s’enfonce dans une forêt enneigée, son bébé dans les bras, après un terrible accident de voiture. L’histoire d’après, un ex-marine revenu d’Afghanistan reconverti en chauffeur de bus va accompagner une lycéenne au retour à la vie après une lourde opération au cerveau. On rencontre aussi un basketteur prodige qui retourne sur le terrain après un séjour en prison, un ancien pompier qui se lance à la poursuite d’un dangereux pyromane, et bien d’autres personnages heurtés par la vie.
C’est évidemment dramatique et vraiment très sombre, voire parfois malaisant d’être pris à témoin. Mais c’est fait avec la justesse des grands auteurs qui soignent le sens des détails et ajustent le ton des dialogues pour réussir à vous donner finalement l’impression d’être vous-même en train d’agoniser, de lutter contre le froid, la maladie, la folie ou encore les fantômes de guerre tout en tentant de réparer des injustices, sans céder à la morale ou aux clichés.
Ce sont des histoires dont on ne ressort pas toujours indemnes (coup de cœur absolu pour Les gorilles du vendredi soir, inoubliable rencontre entre un petit garçon et une assistante sociale de la Protection de l’enfance). Des personnages bien amenés, qui ont beau être inventés et prendre vie dans un lieu fictif, certains continuent de vous tourmenter encore après avoir changé de chapitre ou même carrément de contexte de lecture pour reprendre un peu de souffle.