Les Chroniques de l'Imaginaire

Chien Brun - Harrison, Jim

Héros récurrent que l’on retrouve dans plusieurs histoires de Jim Harrison, Chien Brun est un personnage hors du commun que l’on pourrait étonnamment dépeindre comme une sorte « d’alter égo fantasmé » de l’auteur. 

En marge de la société, ce vagabond superbe du Michigan est devenu le fétiche de l’écrivain des grands espaces. Dans cette nouvelle datant de 1990, la première où il apparaît, on le découvre défendant corps et âme la dépouille d’un chef Indien retrouvé mort dans les eaux gelées du lac Supérieur.

Alors qu’il nous raconte « l’histoire de feu notre ami l’indigène américain », sa petite amie Shelley, chargée de sa liberté conditionnelle, l’enjoint à ne pas omettre les éléments de son passé afin d’éviter de donner mauvaise impression lorsqu’il faudra aborder son forfait à proprement parler… Et c’est bien évidemment à partir de là que ça part dans tous les sens !

Fabulateur de la première heure, frondeur et insolent, un peu cinglé sur les bords, Chien Brun prend un malin plaisir à rouler dans la farine l’autorité incarnée par les shérifs et les juges d’une région dont il connait les moindres sous-bois. Et même s’il adore provoquer les bagarres, rien ne l’effraie plus que de devoir retourner en prison, loin des rivières à truites et des dames aux légères vertus, tous deux indispensables à sa survie.

Alors oui, clairement, c’est trash. Ça ne ferait pas l’unanimité aujourd’hui si on ne prenait pas la peine de le replacer dans son contexte : le cerveau non-conventionnel épris de liberté de Jim Harrison. Loin des écrits lisses traditionnels d’une certaine branche de la littérature américaine et tout aussi loin des clichés qui réduisent l’auteur à Dalva, une de ses œuvres la plus connue, avec Chien Brun on s’acoquine avec un virtuose de l’esquive qui n’est absolument jamais là où on l’attend.

Beaucoup d’humour, reconnaissable à des pages à la ronde tant il est, à défaut d’être propre, caractéristique du ton que l’on pourrait aisément nommer Harrisonnien. Seul lui a le don d’enchainer les digressions et les banalités du quotidien, en passant du coq à l’âne, avec tendresse, humanité et donc pour moi, avec brio ! Tant au niveau du style que du sens car tout se suit et se complète. 

Lire Jim Harrison, c’est comme partir en balade. Il faut un peu s’en foutre de la destination et surtout ne pas estimer l’heure d’arrivée. Tout ce qui compte, c’est le voyage et les multiples rencontres que ce dernier va occasionner, et tout ça en une seule nouvelle qui ne manque pas de relief sur sa centaine de pages. Alors imaginez un peu si vous plongez dans le recueil entier !