Les Chroniques de l'Imaginaire

Le secret de la Villa Freiberg - Casagrande, Romina

L'architecte Elisabeth Waldner, dite Bess, ne sait pas vraiment quoi penser de Mme Rosamaria Tondini, dite Kiki. Celle-ci l'avait consultée pour des modifications à apporter éventuellement à sa maison, la Villa Freiberg. Mais de mystères en incompréhensions, le rapport entre les deux femmes s'est rompu. Bess n'en est que plus surprise d'être contactée par le notaire de Kiki, qui l'informe que celle-ci lui a laissé la Villa, sous réserve de la réhabiliter et d'en faire un musée. Il l'informe aussi que Kiki lui avait laissé une bague et des documents destinés à Emma et Benjamin Fliri.

Antonio Fliri est un officier tué dans des conditions troubles au moment de la perte de pouvoir de Mussolini. Ayant prévu qu'il ne survivrait pas, il a demandé à son ami, le général Enea Tondini, de s'occuper de ses deux enfants, Emma et Benjamin. Malheureusement, le général ne commande pas à son épouse, Frau Anna, issue d'une riche famille locale, et qui est prête à tout pour protéger sa maison, son train de vie, et leur propre fille, Rosamaria. En effet, Benjamin est un enfant différent, fasciné par les insectes, qui ne parle pas, mais qui dessine de façon extraordinaire. A ce titre, il intéresse Gunther, qui le réclame pour l'emmener à la clinique où sont regroupés les enfants comme lui, afin d'y être étudiés.

Le roman est basé sur des faits réels, au sens où la maison en tant que telle existe, et où l'histoire de Benjamin reprend des éléments de celle d'un enfant ayant vécu ces événements. L'autrice le précise dans une postface, et des remerciements, très intéressants à lire, surtout sans doute pour son lectorat non italien, peu familier a priori avec le détail de l'histoire de la fin de la seconde guerre mondiale en Italie. Pour ma part, j'avoue piteusement que j'ignorais tout des "allers-retours" entre Italie et Allemagne de la province du Haut-Adige, et des transferts subséquents de population.

Outre l'intérêt historique, on ne peut que s'attacher à ces personnages complexes et atypiques, qu'il s'agisse des anciennes amies Emma et Kiki et de la vieille Flora, ou d'Albert, qui lutte difficilement contre son alcoolisme. Tous sont rongés par la culpabilité, qu'ils aient eux-mêmes commis une action dont ils ont honte, comme Albert et Bess, ou pour n'avoir pas pu tenir une promesse, comme Kiki. L'ambiance de la Villa est rendue avec précision, entre lumière et ombres, grandeur et décadence, comme aussi est peinte en eau-forte cette clinique emblématique des actes monstrueux de l'Aktion T4.

La tendresse de l'autrice pour ses personnages "cassés" est évidente, notamment par le soin qu'elle porte à montrer leur valeur, comme par exemple dans le cas des jeunes adultes inadaptés dont s'occupe Albert, mais aussi dans le cas de l'excentrique Flora, madone de la troupe de chats de la Villa. On ne peut que s'intéresser à eux, et les chapitres qui se déroulent en 1943/1944 éclairent à leur façon le déroulé de l'enquête que mène Bess pour retrouver les Fliri.

En somme, ce roman m'a bien plu, et je ne vais pas manquer de chercher les oeuvres précédentes de l'autrice. Je le recommande aux personnes intéressées par la découverte d'un pan peu connu de l'histoire du XXe siècle, et à celles qui apprécient des personnages différents.