Hisham Matar est un exilé libyen. Avec ses parents, il a d'abord fui en Égypte jusqu'à ce que son père soit kidnappé par les services secrets libyens et disparaisse sans laisser de traces. À cette époque, pendant ses études à Londres, il passait des heures à la National Gallery où pendant une semaine il contemplait le même tableau pour s'en imprégner totalement et le regarder sous différents angles. Vingt-cinq ans plus tard, il peut encore passer des semaines à observer un seul tableau avant de passer à un autre. Après la perte de son père, en arpentant le musée, il découvre l'école de peinture siennoise du XIIIème au XVème siècle et développe pour elle une étrange fascination. D'abord déconcerté, ne sachant comment l'aborder, il y revient sans cesse car pour lui elle semble comme une anomalie entre l'art Byzantin et la Renaissance. Paradoxalement, pendant toutes ces années, il n'est jamais allé à Sienne pour découvrir la ville et les œuvres qui ont façonné ces tableaux qui le captivent. Alors, après un retour en Libye à la chute de Kadhafi, il ressent le besoin d'aller à Sienne un mois entier et de déambuler dans la ville et les musées, de s’imprégner de l'atmosphère et de revenir sur sa vie.
Hisham Matar nous offre un joli texte, élégant, sur ses déambulations au cœur des ruelles de Sienne, sur ce qu'elles lui inspirent et sur ses réflexions sur sa vie, son passé et son père le grand absent qui n'a jamais été autant présent. L'auteur nous décrit et nous explique l'histoire des tableaux qu'il contemple, il nous éclaire sur cette ville et ce courant de peinture méconnu. C'est aussi une exploration philosophique de la vie, une réflexion sur l'art et la beauté des paysages, des villes, des monuments. Il me manque juste un peu plus de rencontres avec les habitants, avec les Italiens pour rendre ce texte plus immersif et plus vivant car cela reste pour moi un peu trop mélancolique.
Je ne connaissais pas cette école de peinture et j'avoue ne pas lui vouer une grande admiration. Par contre, j'aime beaucoup la définition qu'Hisham Matar en donne : Une anomalie entre deux chapitres, le moment où l'orchestre accorde ses instruments à l'entracte. Et effectivement, lorsque l'on contemple un tableau de Lorenzetti, on a cette impression d'avoir une œuvre intermédiaire entre deux styles de peinture.
En tout cas, ce court roman me donne l'envie de découvrir Sienne et de voir de plus près cette peinture, et qui sait de me faire changer d'avis sur elle.