Les Chroniques de l'Imaginaire

Journal d'une ménagère folle - Kaufman, Sue

Bettina, mariée, deux enfants, trente-six ans, un bel appartement non loin de Central Park, décide un jour de tenir un journal. Bettina est femme au foyer, mais ses journées sont bien remplies : elle doit s’occuper de ses filles et de Folly, le chien de la maison, gérer la femme de ménage qui vient quasiment tous les jours, mais surtout être toujours au top pour les sorties que son mari lui impose.

En effet, son mari est obnubilé par sa réussite : Jonathan est avocat, mais se pique de théâtre et se rêve grand producteur. Il cherche donc au maximum à frayer avec ce milieu, sous les yeux apitoyés de son épouse qui se rend compte qu’il est manipulé par ces gens qui n’en veulent qu’à son argent.

Son mari souhaite aussi que Bettina suive une nouvelle thérapie car, bien qu’il ne la comprenne pas vraiment, il se rend compte que quelque chose cloche chez elle, et il ne peut pas le tolérer. Sa femme doit être parfaite tout le temps.

Pendant six mois, on va donc suivre la vie de Bettina à travers son journal et découvrir le quotidien d’une jeune femme bourgeoise des années 60. 

Je vous conseille de lire les deux préfaces après avoir lu le journal de Bettina, car il y a beaucoup de points qui y sont dévoilés et analysés dans la première préface, et ils nous éclairent un peu plus sur l’œuvre de Sue Kaufman et sur les événements que relate Bettina dans son journal.

J’ai bien aimé ce journal. Bettina a une plume incisive, un regard acéré et au bout d’un moment elle ne se cache plus derrière des mots. Elle n’aime pas son quotidien, mais ne sait pas comment en sortir, car, vu de l’extérieur, elle est considérée comme chanceuse. Grand appartement, mari prospère, deux enfants, un chien, la vie parfaite en somme. Mais la jeune femme se sent à la limite du craquage. Ses ambitions de jeunesse ont sombré dans le quotidien, son mari refuse qu’elle travaille, et globalement elle se sent submergée par l’ennui et l’irritation qu’elle éprouve envers son mari.

Le style est maitrisé. On a vraiment l’impression de lire au-dessus de l’épaule de la jeune femme quand elle décrit, par exemple, tous les préparatifs qu’elle doit faire pour accueillir une réception dans leur grand appartement, mais aussi quand elle tente, en vain au début, d’entrer dans Central Park pour y promener son chien. Avec beaucoup de recul mais aussi de dérision, Bettina se livre grâce au talent de Sue Kaufman et on entre directement dans le quotidien de ce qui peut sembler, de loin, une vie presque idéale. Mais tout n’est qu’apparence et parfois mensonges.