Les Chroniques de l'Imaginaire

Mon frère - Smirnoff, Karin

De retour à Smalånger, petit village fictif au fin fond d’une campagne reculée suédoise, Jana Kippo retrouve Bror, son frère jumeau, qui vit toujours dans la vieille ferme familiale. Sa femme l’a quitté et il passe désormais ses journées à boire et à dormir.

L’été précédent, la découverte du corps de Maria, une femme sulfureuse convoitée par tous les hommes mariés, a enflammé la petite communauté. Une de celle où personne ne dit rien mais où tout le monde sait quelque chose sur quelqu’un. 

Jana décide de rester et obtient un emploi d’aide à domicile – celui que la défunte Maria occupait jusqu’alors. Grâce à ce poste, la jeune femme reprend contact avec des personnes qu’elle n’avait plus revues depuis son adolescence.

Ces retrouvailles ainsi que sa relation passionnelle avec John, un artiste/ermite mystérieux et versatile, viennent bousculer sa mémoire et réveiller les souvenirs enfouis d’un père violent et d’un enfant perdu. Des vestiges qu’elle aurait, peut-être, préféré laisser dans l’oubli…

Mon frère tient davantage du roman noir que du thriller malgré une mort énigmatique sous-jacente qui ne cesse de vouloir remonter à la surface et dont le coupable reste à trouver tout au long des pages.

La force de cette histoire ne demeure pas tant finalement dans cette intrigue, qui se lit sans réel début, ni véritable fin, comme si l’on observait un moment chaotique, intense et accéléré au cours de la vie de ce village et de ces habitants.

Dit comme tel, on pourrait penser que le rythme est indolent et que la lecture se traîne laborieusement alors que non, c’est tout le contraire. J’ai véritablement adoré me plonger dans ce décor sombre et pourtant lumineux avec une neige aveuglante omniprésente. On avance avec le poids de cette neige qui s’accumule et qui rend difficile chaque pas du quotidien. Mais comme Jana, on ne se laisse pas abattre. 

Le parallèle est vite fait avec le fardeau pesant des mensonges, des secrets de famille bien poisseux, des non-dits malsains, des silences glaçants, des trahisons dégueulasses et des coups-bas inattendus… Tout ça sur fond d’inceste, de violence, d’alcool et d’une forme de misère sociale propre à cette vie laissée en suspens loin de tout.

On se rend compte, en assemblant les bribes de souvenirs comme des pièces de puzzle écornées, que chacun des personnages détient une part de vérité, que dans le fond ils sont tous plus ou moins au courant de ce qui se tramait depuis des années, qu’ils se connaissent tous mais qu’ils ne se sont jamais réellement mutuellement aidés.

Karin Smirnoff, l’autrice de La fille dans les serres de l'aigle, le septième tome de la saga Millenium (que je n'ai pas encore lu mais qui me fait de l'œil), nous livre une tragédie brutale avec une écriture originale et captivante. Une très belle découverte qui m’a totalement accrochée !