Tous les jours, Lamiss écrit à Nidhalé. Mais l'absence de nouvelles de la femme qu'elle aime l'atteint profondément. Même son travail de professeure de français, et l'intérêt qu'elle porte à ses élèves, ou l'amitié qui la lie à son collègue Ayden et à sa famille, ne pallient pas ce manque profond. Alors, peu à peu, elle s'efface.
Nidhalé croit ce que lui disent ses parents. Et pourquoi non ? Depuis qu'elle s'est réveillée à l'hôpital sans avoir aucune idée de ce qui l'avait amenée là plongée dans le coma, ils ont toujours été là. Ils sont sûrement les mieux placés pour lui dire qui elle a été. La réalité est plus compliquée : ses parents n'ont jamais accepté son homosexualité, et saisissent à deux mains ce qu'ils voient comme une miraculeuse seconde chance. Ces goûts "pervers" de leur fille, il suffit de les effacer.
Ce court roman se lit rapidement et avec plaisir. Sa construction est classique, en trois parties, l'une consacrée à Lamiss, la deuxième à Nidhalé et la troisième à leur couple. En revanche, j'ai hésité sur son classement, le genre Fantastique, que j'ai finalement choisi de mettre en relief, n'apparaissant qu'assez peu.
Chacun des personnages est crédible, y compris les secondaires, comme Jacim, le proviseur, Yza ou Youssef. Les deux protagonistes principales sont décrites en profondeur, dans leur complexité, et les modalités de leur effacement à chacune ont du sens.
L'auteure brosse un portrait subtil et inquiétant de la société marocaine. J'ai particulièrement apprécié l'absence de tout manichéisme : les parents et les médecins de Nidhalé pourraient paraître monstrueux, mais ces personnages sont trop nuancés pour cela. Cela rend la dénonciation de l'homophobie encore plus efficace, en montrant combien elle est ancrée dans la psyché de la société dépeinte.
A mon avis, cette belle histoire est un exemple de tout ce qu'un roman militant devrait être : un plaisir de lecture, d'abord, l'intention de faire réfléchir, bien présente pour un lecteur attentif et/ou sensibilisé au thème, ne contrariant pas ce plaisir. C'est une découverte pour moi d'une autrice intéressante, que je ne connaissais pas mais dont je retiens le nom.
