Un couple de saltimbanques, Anaïdês et Mêsthis, mène une vie nomade aux quatre coins de la Grèce. Avec leur petite troupe de phénomènes de foire, ils errent de ville en ville sans jamais s'arrêter, comme poursuivis par quelque invisible menace. Ils ne demandent rien à personne et c'est bien malgré eux qu'ils se retrouvent impliqués dans les intrigues des puissants.
La ressemblance proprement surnaturelle entre Anaïdês et Ménoïtios, le roi mourant de la cité d'Oponte, n'est pas passée inaperçue. Le mercenaire Boréas compte s'en servir pour se faire reconnaître héritier du trône, au grand dam de Laïs, la femme de Ménoïtios. Les saltimbanques et leurs protégés vont devoir déployer des trésors de courage et de ruse pour se tirer vivants de ce guêpier… d'autant que les augures qui se révèlent à Mêsthis suggèrent qu'une menace bien plus terrible est sur le point de surgir des profondeurs de l'Haïdês.
La Grèce antique est un terreau fertile pour les auteurs de fantasy (qu'on pense à David Gemmell et son Lion de Macédoine). Dans ce roman, Nicolas Texier choisit de nous renvoyer dans un passé très reculé, aux frontières de l'histoire et du mythe. La guerre de Troie s'est achevée il y a peu, les héros (ceux qui ont survécu…) viennent de rentrer chez eux, chargés de trésors et d'histoires, mais ce n'est pas eux que l'on suit ici. Le récit adopte le plus souvent le point de vue d'Anaïdês, Mêsthis ou de leurs protégés, des parias impliqués malgré eux dans les magouilles des plus grands et plus puissants qu'eux. Ils ne sont pas parfaits, loin de là, ceux qui souffrent de handicaps ne sont pas idéalisés, ce qui les rend d'autant plus crédibles et attachants.
L'intrigue réserve son lot de mystères et autres rebondissements qui donnent aussi envie de poursuivre sa lecture. J'ai trouvé le style un peu chargé, avec beaucoup d'adjectifs et d'adverbes, mais c'est affaire de goût ; ils ne sont jamais employés à mauvais escient comme le ferait un écrivain malhabile. Je n'ai pas été convaincu par le choix d'une orthographe archaïsante pour les noms de personne, notamment ceux que l'on connaît bien à cause des légendes homériques (Akhilléus au lieu d'Achille, Aïas au lieu d'Ajax…). L'auteur s'en justifie dans sa postface en disant avoir voulu échapper au bagage culturel associé à ces noms, mais je ne trouve pas cette raison suffisante, d'autant qu'il explique immédiatement après avoir conservé les noms de lieu les plus courants pour ne pas dérouter son lectorat.
Ces quelques objections ne m'ont pas empêché d'apprécier grandement ma lecture de Reflet du roi mourant. C'est un roman prenant et maîtrisé qui vous fera passer un bon moment, surtout si l'histoire antique est votre dada.