Les Chroniques de l'Imaginaire

La maison aux pattes de poulet - Nethercott, GennaRose

Cela fait des années qu'Isaac Yaga n'a pas revu sa soeur Bellatine. Depuis qu'il a quitté le foyer familial, abandonnant la famille Yaga et son théâtre de marionnettes ambulant, il mène une vie d'arnaqueur à la petite semaine sur les routes des États-Unis, utilisant son remarquable don d'imitation pour gruger les gens qu'il croise. De son côté, Bellatine mène une vie rangée dans le Maine, où l'adresse surnaturelle de ses mains lui a permis de faire carrière dans le travail du bois. Un événement inattendu va les rapprocher : un héritage tout droit venu d'Ukraine, patrie d'origine des Yaga. Cet héritage, c'est une caisse. Et dans cette caisse, il y a une maison à pattes de poulet.

Rien d'étonnant dans un monde où il arrive qu'il pousse des yeux, des ailes ou, oui, des pattes aux bâtiments. Une fois l'instant de surprise passé, Bellatine se sent une affinité profonde pour cette maison venue de nulle part, comme s'il s'agissait d'un foyer retrouvé. Mais Isaac ne va pas lui céder sa part de l'héritage comme ça : il exige que sa sœur et lui refassent une tournée pendant un an, à jouer L'idiot qui se noie avec les marionnettes familiales de ville en ville. La jeune fille accepte, mais rien ne va se passer comme prévu.

Si je devais résumer La maison aux pattes de poulet en une phrase, ça pourrait être « un croisement entre American Gods de Neil Gaiman et L'échiquier du mal de Dan Simmons ». Du premier, on retrouve le périple sur les routes d'une Amérique où la vie moderne se retrouve chamboulée par l'irruption des souvenirs de la vieille Europe, que les immigrés de tous temps ne sont jamais parvenus à laisser complètement derrière eux. Du second, on retrouve l'antagoniste surnaturel qui tire les ficelles dans l'ombre, aussi charismatique que démoniaque, prêt à tout pour arriver à ses fins, et l'enracinement dans les tribulations des Juifs d'Europe dans la première moitié du vingtième siècle.

Mais ce serait réducteur de limiter ce roman à ces parallèles. La maison aux pattes de poulet, c'est surtout une aventure haletante où l'on suit des personnages fouillés auxquels on n'a pas de mal à s'attacher, même si l'on pourra préférer la gouaille irrévérencieuse d'Isaac ou le sérieux d'une Bellatine plus posée, qui cachent dans les deux cas un passé troublé qui ne se dévoilera que petit à petit. Le rythme est formidablement maîtrisé, les scènes les plus chargées (des gens meurent dans ce livre, beaucoup, et jamais de manière plaisante) étant entrecoupés de dialogues plus légers, de l'irruption de personnages farfelus (les trois musicos reconvertis en chasseurs de fantômes sont hilarants) ou de chapitres un brin fantasques où c'est la maison elle-même qui prend la parole pour s'adresser à nous, sans que le changement de ton ne jure jamais.

Bref, si je devais résumer La maison aux pattes de poulet en une phrase, ce serait peut-être plutôt pour vous conseiller de vous jeter dessus au plus tôt !