Pourquoi diable le vieux Todestre a-t-il décidé de conduire son cirque à Naacht ? Rien de bon ne semble y attendre les malheureux éclopés qui constituent sa petite troupe : ni les jeunes Sébaste et Poppiela, frappés d'une maladie qui les transforme lentement en arbres, ni Tristo, si contrefait qu'on le surnomme le Crabe, ni Jyss la belle magicienne, ni Ylias le muet stoïque, et pas même Matifas, le vieux vampire contorsionniste au fond de sa jarre. Et pourtant, ils auront tous un rôle à jouer dans les événements qui se préparent. Ce qui est en jeu ? La fin du monde, rien que ça…
Avec un titre comme L'enterrement des étoiles, on ne s'attend pas à un livre plein de joie de vivre, et le fait est qu'il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Le monde dans lequel nous plonge Christophe Guillemain est en pleine décrépitude depuis qu'un héros s'est mis en tête de défier le dieu Oudath, sur quoi une nuit sans étoile s'est abattue sur l'humanité, à jamais privée de paradis. L'ambiance n'est pas à la rigolade, l'atmosphère générale est pesante, étouffante, au point que l'apocalypse annoncée est davantage source de soulagement que d'anxiété.
Ce monde déprimant est peuplé de gens qui ne le sont pas moins. Coincés dans des structures sociales inégalitaires à souhait, prisonniers de leurs handicaps, les forains ne sont pas pour autant dépeints comme de simples victimes : ce sont des personnages tridimensionnels avec leurs failles et leur mauvais côtés. C'est bon pour le réalisme, mais cela ne les rend pas plus attachants pour autant, à l'exception de la petite Poppiela, véritable incarnation de l'innocence enfantine. Ils sont en outre assez nombreux, le récit saute régulièrement de l'un à l'autre et il m'a fallu un certain temps pour commencer à les cerner.
Il en va de même pour les règles qui régissent leur monde. L'enterrement des étoiles est de ces romans de fantasy qui distillent leur mythopoïèse par petites touches, au détour d'un dialogue ou d'une description, en évitant autant que possible les longs excursus didactiques à la Jules Verne. Ici encore, ce n'est pas une mauvaise chose, cela rend la narration plus fluide et naturelle, mais l'absence de présentation claire et carrée des événements ayant conduit à la situation présente et des factions en place fait qu'il est difficile de saisir les enjeux de l'intrigue au-delà de ce qui touche immédiatement aux protagonistes.
Il est possible que ce sentiment de flou autour du monde et des personnages soit dû au style, le principal point noir du livre à mes yeux. Tout dans ce domaine est excessif : Les phrases sont souvent longues et pleines d'appositions, les substantifs sans adjectif sont l'exception plutôt que la norme. Le résultat est épuisant. On s'y fait au bout de quelques centaines de pages, mais encore faut-il tenir jusque là. J'ai été suffisamment intéressé par l'intrigue pour finir le roman, mais je n'ai décidément adhéré ni au fond, ni à la forme.