Dans cette enquête bien documentée, suivie par une interview de Julian Assange et une de Noam Chomsky, l'auteur détaille la façon dont, depuis la Seconde Guerre Mondiale, mais surtout depuis le 11-septembre, les USA et les autres gouvernements ont utilisé les outils numériques mis à leur disposition pour espionner leur propre population.
Nous savons depuis les révélations d'Edward Snowden que depuis le début des années 2000, la NSA, l'une des agences d'espionnage américaines, a collecté des informations non seulement sur les citoyens des USA, mais aussi sur ceux d'autres pays, entre autres en demandant les données dont ils disposent à ces géants d'Internet que sont Google, Yahoo!, Apple, Skype, etc. Or, qui d'entre nous ne les utilise pas journellement pour communiquer, faire des recherches, ou des achats, sur Internet, qui tous en disent beaucoup sur nos goûts et nos idées.
L'auteur se rend bien compte que la plupart des gens semblent ne pas se soucier de ces accrocs à leur vie privée, du moment qu'ils sont "justifiés" comme une mesure de sécurité. Il souligne aussi combien nous vivons dans une société en partie créée par ces supports de voyeurisme et d'exhibitionnisme que sont les réseaux sociaux : la notion même de vie privée ne peut que paraître étrangère à quelqu'un qui mentionne tous ses faits et gestes sur sa page Facebook ! Mais au moins, dans ce dernier cas, c'est l'usager du réseau qui décide quoi montrer et raconter.
Quand il s'agit de drones et autres caméras urbaines, et d'objets connectés pouvant éventuellement inclure des caméras ou micros espions, c'est tout autre chose, alors même que l'intelligence artificielle domotique, portée par Google, Amazon ou Apple, a le vent en poupe.
J'ai trouvé cet essai à la fois passionnant et terrifiant, et je suis contente d'avoir eu l'opportunité de le lire à l'occasion de sa réédition au format poche, mais je me suis demandé sans cesse pendant ma lecture à quel point la situation s'était dégradée depuis sa parution en 2015, malgré une postface courte mais intéressante montrant combien la récente pandémie de COVID-19 a favorisé la surveillance de masse sous prétexte de protection de la santé des citoyens. Heureusement, l'auteur consacre une partie de son ouvrage à la façon de se protéger, pour ceux qui souhaiteraient défendre leur droit à une vie privée. C'est bien écrit, de façon lisible, avec un corpus de notes étoffées regroupées en fin d'ouvrage, où le lecteur curieux trouvera également une bibliographie.