Les Chroniques de l'Imaginaire

Vivre vite - Giraud, Brigitte

Dans ce livre, Brigitte Giraud rebrousse chemin pour tenter de comprendre l’indicible. Ou plutôt pour tenter de reconstruire, morceaux par morceaux, le puzzle des derniers instants de la vie de son mari, tragiquement décédé dans un accident de moto, à Lyon, en juin 1999.

Une date fatidique, un lieu qui ne cesse de la hanter et des montagnes de questions qui conduisent à reformuler inlassablement la liste des « et si » pour chercher la faille à l’inexplicable. 

Sonder encore une fois, vingt ans après, les choix qui auraient pu mener à une autre alternative, à une vie parallèle où le 22 juin ne serait resté qu’une date parmi d’autre dans le calendrier.

Des questions qui demeurent sans réponses, des schémas que l’on fait, que l’on défait et que l’on refait pour tenter de déceler un indice. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient au fil des pages sur ces journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable. 

Et croyez-moi, chaque page est une claque, une émotion entourée de pudeur mais une de ces pudeurs qui vient vous secouer au plus profond de vous, comme si c’était vous qui viviez cette vie, qui reviviez cette journée, cette semaine, ces choix qui ont conduit à cet instant funèbre.

Il se trouve qu’en plus je réside dans la même ville que l’autrice. Pas le même quartier, celui de la Croix-Rousse, et pas à la même époque, mais chacun des lieux, des évènements, des rues, des ambiances évoqués est venu réveiller tout au long de ma lecture des images précises, des contours collectifs et pourtant intimes, qui font que j’ai été touchée de plein fouet, comme un témoin pris à partie.

Je suis d’autant convaincue, que même sans cette accointance géographique, cette histoire (comme c’est réducteur d’ailleurs de la définir sous cet angle si commun) ne peut que toucher quelque chose en chacun de nous. Parce qu’on cherche tous à disséquer les ressorts de la nature humaine et la part de mystère universel qui nous rappelle que nous ne sommes ni uniques, ni immortels. 

On a beau refaire l’histoire, on sait dès le début que la fin demeurera effroyablement la même. Comme Brigitte Giraud, on aimerait « trouver une raison d’arrêter le cours des choses, à rebours, même après tout ce temps, redonner une chance à l’histoire de se dérouler autrement ». 

Qu’un élément surgisse, même dans la plus pure des simplicités (une météo différente, un oubli anodin, une tenue vestimentaire soudainement inadéquate) pour que l’existence prenne une tout autre tournure. Mais non, on ne peut qu’accompagner l’autrice dans ses hypothèses pour tenter vainement de calmer cette plaie, de combler ce vide, qui la gagne chaque fois qu’elle ne peut, après tout, qu’imaginer cette maudite dernière journée. 

Au-delà d’une histoire de deuil impossible et des chemins pour se reconstruire, cette autofiction est une introspection plus que poignante qu’on lit lancé à vive allure alors que le temps lui-même semble s’être figé pour demeurer éternellement suspendu aux lèvres des « et si ».