Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 229)

Chaque année, les numéros de la revue les plus intéressants sont ceux qui incluent les nouvelles lauréates d'un prix ou un autre. C'est le cas pour celui-ci, ce qui en rend le volet Fictions particulièrement riche. Qu'on en juge :

Danser, chanter, lire les oiseaux, de Florian Herbert-Pontais : A trois, l'alchimie fonctionne bien, à quatre, plus vraiment. Mais ce n'est sans doute pas le seul problème de Fran. Cette nouvelle a obtenu le Prix Joël-Champetier, et je n'en suis pas surprise, car je l'ai trouvée extra-ordinaire. En effet, elle néglige les frontières des genres de l'imaginaire comme si elles n'avaient jamais existé, ce qui serait déjà remarquable, mais de plus la forme est aussi originale et travaillée que le fond. En somme, une réussite incontestable, et un nom d'auteur à retenir.

Dans la barque, de Geneviève Blouin : Trois femmes (une vieille, une d'âge mûr et une jeune) sont dans une barque avec un marin, seuls rescapés d'un soudain naufrage, auquel il faut bien trouver une raison, voire un coupable. Une coupable, de préférence. Cette charmante nouvelle, au rythme vif et à la touche d'humour bienvenue, a gagné le concours de nouvelles Huis Clos - Boréal et Les Montagnes Hallucinées.

Nos corps enlacés dans un baiser de cendre, de Guillaume Voisine : Azélie n'a pas vraiment envie d'aller chez les parents de Cédric, qui ne l'aiment pas. Aussi profite-t-elle d'une halte dans une station-service pour rêver d'une cigarette. Cette nouvelle fantastique assez réussie, mais dans laquelle je ne suis pas vraiment arrivée à entrer, a été finaliste du concours de nouvelles Huis Clos - Boréal et Les Montagnes Hallucinées.

Dans la gueule, de Dave Côté : Toujours là, comme une gourmandise qu'on ne voudrait pas dévorer. Il est à peu près impossible de dire quoi que ce soit de ce superbe texte très court, gagnant du concours d'écriture sur place du Congrès Boréal, catégorie "Pro", sans le déflorer. Aussi me bornerai-je à insister pour que vous le lisiez, c'est tout ce qu'une nouvelle courte devrait être, avec cette touche de mystère persistant qui fait en redemander.

Dans la gueule, de Ericka Sezille : Comment tomber de Charybde en Scylla. Ce texte, gagnant du concours d'écriture sur place du Congrès Boréal, catégorie "Relève", a sans doute souffert pour moi de sa proximité avec le précédent..

Cette maison qui sera la nôtre, de Sébastien Chartrand : Chez Lemay, il n'y a plus personne, et cela fait un bon refuge pour quelqu'un qui n'est plus personne. Plus personne... que des fantômes. Une belle histoire fantastique, sur un thème convenu mais dont la fin éclaire le titre, si l'on ose dire.

Réponse à deux amis, de Frédéric Parrot : Les humains parlent. Sans arrêt. Et si les autres espèces sentientes étaient simplement trop polies pour manifester leur ennui ? Je me suis régalée avec ce texte, original et drôle. Une très bonne surprise pour moi, après mon manque d'appréciation de la nouvelle du même auteur parue dans le numéro 226.

Question d'équilibre, d'Isabelle Piette : Eloïse est une funambule qui a failli ne plus l'être suite à un accident. Mais elle a rencontré Alim, et a guéri. Magiquement. J'ai beaucoup aimé cette belle histoire sensible, toute en demi-teintes, et aux personnages crédibles, où j'ai bien retrouvé la "patte" de la gagnante du prix Solaris 2023.

Doc Dinosaure 2.0, de Claude Lalumière : Se battre contre les autres Super-Héros humains est une chose. Laisser la Terre devenir la proie des Krakulliens en est une autre. Une nouvelle fort amusante qui parodie avec bonheur les Batman et autres Superman.

Les lampes de Ganymède, de Michèle Laframboise : Quel enfant ne souhaite pas un animal domestique ? Spécifiquement un chat, dans le cas d'Elisabeth. Face au veto de sa mère, son oncle Gram lui offre une lampe autonome. Très autonome. Une nouvelle charmante, au décor science-fictif bien planté. Même si le thème n'en est pas très original, les personnages crédibles et la touche d'humour d'une autrice qui ne se prend clairement pas au sérieux la rendent fort agréable à lire.

Dans ses Carnets du Futurible, Mario Tessier s'intéresse cette fois à la Futurophagie, ou la nourriture à venir : comment on imaginait la nourriture du futur depuis le XIXe siècle, et l'écart éventuel entre ces idées et la réalité, mais aussi comment certains ont inventé de toutes pièces (probablement !) des livres de recettes extra-terrestres. Je ne saurais pas recommander de le lire avant, après ou pendant un repas, chacun sera juge...

L'article tiré du DALIAF de Claude Janelle porte sur le recueil de nouvelles L'Homme qui va..., de Jean-Charles Harvey, paru en 1929, qui semble fort intéressant, au moins dans un sens historique, et particulièrement pour un public québécois.

Dans les deux sections consacrées aux critiques d'ouvrages parus, je lis toujours avec beaucoup de plaisir celles consacrées aux titres que j'ai lus moi-même, comme L'affaire Crystal Singer, d'Ethan Chatagnier, ou que j'ai échoué à lire dans le cas du dernier roman de Colin Heine, Les loups de cendres mortes, mais auquel la critique de Pierre-Luc Lafrance m'a convaincue de donner une autre chance. Nul doute que d'autres trouveront ici d'autres pistes de lectures passionnantes !