Les Chroniques de l'Imaginaire

La Venise des Louves - Wellenstein, Aurélie & Contarini, Emanuele

Depuis qu’une des îles de l’archipel s’est éteinte brusquement, Venise vit dans la terreur des gondoliers qui envoient des cauchemars à ses habitants et exigent des impôts de plus en plus élevés aux survivants. Et si les gondoliers ne sont pas contents des offrandes, ils envoient des hommes armés de bombes pour commettre des attaques suicides.

Avant l’attentat, Renzo était un pianiste surdoué. Depuis l’attentat, il est un homme brisé, avide de vengeance à la suite de la perte de sa main droite. Entourée de ses louves masquées —des femmes qui, comme lui, ont été victime d’une bombe D —, ils vivent à l’écart, tous ensemble, et survivent grâce à leurs rapines ou en utilisant leurs dons aux tables de jeux.

Renzo et ses louves n’ont qu’un seul but désormais. Se rendre sur l’île Noire, coupée du monde depuis son extinction, affronter les gondoliers et découvrir leurs secrets.

La première lecture de cette BD m’a laissée légèrement dubitative. Puis je l’ai relu, et à part la morale de la dernière page que j’ai trouvé un peu « facile » et téléphonée, j’ai trouvé des tas de qualités à cette histoire qui change des BD de capes et d’épées habituelles.

Certes on se retrouve avec un homme entouré de femmes, tous déterminés à s’en sortir, tous aptes à se battre, à voler, et à utiliser les pouvoirs qu’ils ont reçu des bombes. Et c’est ce mot-là, pouvoir, qui change tout dans l’appréhension de l’histoire. Une fois qu’on suspend joyeusement notre incrédulité, on peut plonger dans cette Venise fantastique, mais surtout dans les relations entre Renzo et ses louves.

Louves qui pourraient très bien se passer de lui, mais qui choisissent de rester car chaque personne du groupe est traumatisée par les effets des bombes qui les ont frappées. En effet, chacune est victime et cherche à se reconstruire, ou du moins à survivre sans trop souffrir. Ils savent qu’être ensemble leur permet de partager leurs souffrances sans crainte d’être jugés. Et c’est pour cela que leur groupe est important, et on en retrouve l’écho dans la dernière partie de l’histoire quand ils découvrent qui se cache sur l’île Noire, et qui est donc responsable de leurs traumatismes.

Niveau graphique, on est sur une palette de couleur très portée sur le bleu, car une bonne partie de l’intrigue se passe de nuit. Néanmoins, plusieurs planches sont baignées de couleurs vives, y compris la nuit, grâce à l’emploi du rouge sur une partie des vêtements des louves. J’ai beaucoup aimé la mise en page, qui sert très bien les différentes scènes et l’intrigue générale. Quand le groupe va récupérer Bianca, j’ai beaucoup aimé, page 29, l’air décidé d’Angela dans les jardins, mais aussi les gardiens difformes qui tentent d’arrêter le groupe. Je trouve particulièrement réussie la première case de la page 33, avec son atmosphère paisible, même si on devine que c’est le calme avant la tempête.

Aurélie Wellenstein, la scénariste, dit de son album : "c’est un album sur le choc traumatique, le désir de vengeance, et la résilience."

Et après une seconde lecture, c’est vraiment ce qui s’en dégage et c’est très réussi, même si j’aurais adoré avoir quelques pages supplémentaires pour savourer cette histoire.