Les Chroniques de l'Imaginaire

Cette nuit qui m'a donné le jour - Perrot, Frédéric

Très proche de ses parents, Étienne est dévasté par le coup de téléphone qui lui apprend la mort de son père atteint de la maladie de Charcot. Celui-ci formait avec sa mère un couple modèle et fusionnel, en tout cas aux yeux de leur fils.

Depuis trente ans, le jeune homme n’a jamais douté de leur amour réciproque et inconditionnel, ni de leur fidélité. C’est même devenu le socle des rares certitudes sur lesquelles il s’appuie tant bien que mal pour tenter de construire sa propre vie d’adulte.

Et pourtant, voilà que cette solidité vole en éclats… Car avant de mourir, son père a laissé une lettre qui lui dévoile son plus grand secret : un amour intense et interdit qui a bouleversé le cours de son existence. 

Tout au long du récit et des allers-retours dans l’histoire de son père, l’image idéale et inébranlable qu’Étienne avait de ses parents va être mise à rude épreuve. Alors qu’il voit son monde s’écrouler, en allant au-delà de ses convictions et de ce qu’il pensait savoir, le jeune homme passera par toute une palette d’émotions (et nous aussi) pour entrevoir que la beauté de l’existence réside le plus souvent dans ses multiples imperfections.

Si le scénario de la découverte d’un amour impossible et secrètement gardé n’a rien de révolutionnaire en soi, Frédéric Perrot réussit à rendre accessible l’intime avec pudeur mais aussi humour.

C’est d’ailleurs cet équilibre entre drames et badineries qui permet de ne pas trouver démesuré voire grossier l’enchaînement de péripéties rocambolesques où la romance se heurte de nombreuses fois à l’impossible réalité matérielle du quotidien.

La narration a le mérite de sublimer l’histoire avec de ravissantes tournures de phrases qui nous accrochent dans ce tourbillon de vie pour dépasser la trahison et la désillusion d’un schéma parental construit pour rassurer un fils unique qui réalise, une fois adulte, qu’il n’était peut-être finalement pas au centre de tout. 

Comme vous pourrez le constater, j’ai eu du mal à compatir avec les émotions d’Étienne que j’ai trouvé immature et surprotégé, tant dans ses joies naïves que dans ses brutales déconvenues. 

En ayant l’impression d’avoir été quelque part un peu le cinquième membre de cette histoire, je lui dois une forme d’indulgence car j’ai moi-même oscillé dans mon jugement sur l’intrigue entre aspiration vertigineuse et conventionnalité bancale où les aspects transgressifs doivent être recontextualisés pour ne pas lever les yeux au ciel devant certaines réactions.

Difficile en somme de trancher dans le vif du sujet, disons que c’est particulièrement beau et touchant dans la forme, relativement improbable dans le fond mais indéniablement agréable dans la lecture.