Les Chroniques de l'Imaginaire

L'Odyssée de Sven - Miller, Nathaniel Ian

Nous sommes au début du XXè siècle. Sven est un garçon solitaire qui aime s'évader en lisant les récits des grands explorateurs. En grandissant, ses rêves cèdent la place à la routine, loin de l'idée d'un bonheur qu'il ne sait même pas définir car il ne sait pas ce qu'il veut, dans le fond. Il n'a pas la soif des grandeurs, ne rêve pas de l'inaccessible. Simplement, sa vie à Stockholm ne lui correspond pas et il voit les journées défiler en ayant l'impression de passer à côté. C'est alors que sa sœur, qui le connaît mieux que personne, lui parle d'un emploi de mineur dans les terres arctiques du Spitzberg. Lui qui s'émerveillait des récits des grands voyageurs sur les territoires hostiles saisit sa chance. Et c'est là que commence son odyssée...

Rapidement, il se rend compte qu'entre les images convoquées par les explorateurs et la réalité du travail, il y a un gouffre. Surtout quand un accident lui défigure la moitié du visage, une disgrâce qui lui vaudra pour toujours l'idée de se tenir loin des hommes. Pourtant, cet accident va lui permettre d'échapper à la mine et de faire successivement la rencontre de personnages hauts en couleur, aux caractères et mœurs opposés, qui le suivront tout le reste de sa vie. Que ce soit avec le géologue jovial et érudit qui partage avec lui livres et discussions enlevées ou avec le trappeur socialiste bourru, Sven va nouer des amitiés précieuses et inébranlables.

L'air du Spitzberg sied bien à Sven, qui apprend au fil des ans à se fondre dans le décor. Il est dans son élément dans la solitude, le froid, l'observation de la nature. La vie civilisée de Stockholm ne l'intéresse pas, il se sent bien mieux dans l'immensité blanche de l'Arctique. Il ne coupe pas pour autant les ponts avec sa famille, dont il reçoit des nouvelles par courrier. Les liens sont lointains et intermittents, le monde se rappelant à lui dans les lettres et nouvelles apportées par les bateaux chargés d'apporter le ravitaillement. Il sait ainsi la guerre, les pogroms, les évènements familiaux.

L'Odyssée de Sven pourrait sembler à première vue être le récit d'un homme solitaire, coupé du monde, misanthrope mais en réalité, c'est tout le contraire. Il vit en connexion avec le monde qui l'entoure, le respecte, s'en nourrit. Il a appris à vivre en osmose avec la nature environnante et à s'en méfier, car savoir où est le danger fait partie des règles de survie. Il ne fréquente que peu de personnes mais il chérit ses amitiés et connaît leur valeur. 

A ses côtés, le temps s'écoule au rythme de saisons et d'une luminosité qui nous sont étrangères. Sven nous inclut dans sa bulle arctique et c'est un arrachement de le quitter à la fin de la dernière page. Le récit est passionnant, émouvant, l'écriture limpide et, il est important de le signaler, bourrée d'humour. Avec L'Odyssée de Sven, Nathaniel Ian Miller propose un premier roman spectaculaire et nul doute que Sven restera dans la mémoire de nombreux lecteurs.