Kurara et Haru sont en fuite. Ils ont réussi à échappé à la terrible Tsukimi dans la confusion engendrée par la destruction de la cité volante de Sola-Il, mais la princesse impériale est bien décidée à leur remettre la main dessus. Ce n'est pas tous les jours que l'on croise des shikigamis doués de raison et ressemblant à s'y méprendre à des êtres humains de chair et de sang !
Avec l'aide de la navigatrice Sayo et de l'ingénieure Tomoe, les deux amis s'efforcent de rallier le port de Nessai. Leur objectif : le Grand-Courant, ce gigantesque vortex qui se déchaîne loin au sud. Les jeunes gens doivent y retrouver leurs amis de l'Orihime, et Kurara compte également s'entretenir avec Suzaku, le phénix ancestral qui y a élu résidence.
Kurara rêve que tous les shikigamis puissent jouir de la même liberté qu'elle, un rêve qui, cela va sans dire, irait à l'encontre de tous les projets de Tsukimi. Cette dernière se lance à la poursuite de la jeune fille, accompagnée de ses pliomages qui lui obéissent au doigt et à l'œil. Le secret qui entoure la conception des shikigamis est à portée de main. Qui saura s'en saisir ?
Ce deuxième tome des Monstres de papier démarre presque immédiatement après la fin des Cités rebelles. On s'attendrait à un départ sur les chapeaux de roue avec des héros en fuite dans un environnement inconnu et périlleux, mais en réalité, il ne se passe pas grand-chose dans les cents premières pages du livre. Tandis que Kurara et compagnie se livrent à une petite randonnée assez pépère dans les bois, Ann Sei Lin met à profit cet espace pour nous rafraîchir la mémoire sur son univers, ses personnages et les événements du tome précédent. Je mentirais en disant que ce n'est pas bienvenu quand plusieurs mois s'écoulent entre la lecture des deux, mais il aurait sans doute été possible d'y passer moins de temps sans conséquence négative.
Le récit commence réellement à décoller à l'arrivée à Nessai, avec quelques scènes d'action efficaces, une tension qui arrive enfin à prendre forme et le réel développement de l'intrigue. Tout repose sur des ressorts assez classiques, comme les rêves mystérieux que fait Kurara. Ce n'est pas inefficace, même si leur déchiffrement confine par moments au simpliste (l'une des grandes révélations de Kurara consiste à se rendre compte que « le sang de l'arbre », c'est… sa sève). Néanmoins, les révélations finales sont lourdes de sens, comme il se doit, et permettent la mise en scène d'un final épique à souhait qui fonctionne bien.
Parmi les nouveaux personnages, j'ai beaucoup aimé l'ours Banri, gentil à l'excès et follement attachant. À l'inverse, Haru (qui avait passé la majeure partie du tome 1 sous la forme d'un caillou dans la poche de Kurara) s'avère singulièrement agaçant, tour à tour fanfaron et mutique, et il est difficile de comprendre l'amitié que lui porte Kurara. Sayo et Tomoe les accompagnent pendant une bonne partie du récit, mais leur rôle est réduit à bien peu de chose, au-delà de l'occasionnelle remarque acerbe ou sardonique. Du côté des méchants, Tsukimi se complaît dans la caricature de la petite princesse gâtée et semble résolument irrécupérable. Une caractérisation un peu plus tridimensionnelle aurait peut-être été la bienvenue.
L'oiseau de feu me laisse donc aussi mitigé que Les cités rebelles. L'univers est toujours séduisant et les bonnes idées sont là, mais je trouve que les romans ne tiennent pas toutes leurs promesses, même en considérant qu'ils s'adressent à un public jeune.