Les Chroniques de l'Imaginaire

Si le geste est beau - Franceschetti, Benjamin

Mars 1914. Paris est sous tension, plusieurs bombes ont explosé. L'une d'elles fait sept victimes dans le café des Flandres, fréquenté par la bourgeoisie parisienne. Tout de suite, les soupçons se concentrent sur la piste anarchiste, ce qui est confirmé par une lettre réclamant la libération de l'un des leurs sous peine de nouvelles actions destructrices. Le commissaire Fabre de la Sûreté est chargé de l’enquête mais il va devoir coopérer avec Ferdinand Garcin de la Brigade des recherches. Fabre ne l'apprécie pas beaucoup et se méfie de cet homme qui nage en eaux troubles et manipule les gens pour obtenir des renseignements sur tout le monde.

Pendant ce temps, le groupe d'anarchistes se déchire car l'Artificier a, de son propre chef, décidé de lancer cette bombe dans le café. Alors que le but initial était de faire des dégâts matériels et beaucoup de bruit, son initiative les condamne à subir une traque impitoyable de la police. Leur action est maintenant sans retour en arrière et l'Artificier ne leur donne plus d'autre solution que d'aller jusqu'au bout par tous les moyens. De son côté, Eugène, journaliste sans avenir, cherche un sujet qui pourrait lui ouvrir les portes d'un grand journal lorsqu'il entend parler de l'attentat. C'est un jeune en manque de confiance, en plein doute, qui ne trouve du réconfort que dans les bras de Gwen, une jeune Anglaise riche qui passe son temps à s'amuser.

Rapidement, Fabre et Garcin flairent une embrouille et pensent que les anarchistes ont été manipulés par un agent provocateur. Mais à la solde de qui ? Des Allemands qui cherchent la confrontation avec les Russes et la France ? De la Russie et de son service secret encore bien présent en France et qui cherche à renforcer l'alliance avec la France ? Ou alors des Français qui pour certains tendent vers un renforcement de la Triple-Entente, ou d'autres qui poussent pour un accord de paix avec le Kaiser ? À moins que ce ne soit un autre pays qui œuvre en secret pour discréditer ses adversaires.

Les intérêts divergents des uns et des autres vont entraîner les différents protagonistes dans une spirale infernale de violence, de vengeance qui ne laissera pas les rescapés indemnes.

Ce polar habilement mené par Benjamin Franceschetti mêle politique, enquête policière, espionnage, le tout sous la menace de rivalités de puissances militaires qui vont bientôt déclencher un conflit mondial alors que rien ne le laisse supposer. Les espions, agents doubles, triples se croisent, se provoquent et s'éliminent sans pitié. Ça tue, s'entre-tue, se torture, se mutile, le tout pour leur cause, mais est-ce la bonne ? Et la fin justifie-t-elle les moyens les plus ignobles ? La question se pose toujours de nos jours, malheureusement.

L'intrigue permet de découvrir les milieux anarchistes, le jusqu'au-boutisme de ces personnes pour qui l'extrême violence n'est qu'un moyen de parvenir à leurs fins. J'ai apprécié de suivre une enquête à cette époque, surtout dans cette période des quelques mois qui ont précédé la guerre. On y découvre les luttes d'influence des puissances étrangères au cœur de la France où les fauteurs de troubles ne sont pas forcément ceux que l'on croit. Les manigances sont nombreuses, les manipulateurs manipulés, les alliances contre nature et, pour couronner le tout, les amis sont parfois ennemis.

L'intrigue est vue sous différents angles et différents personnages. On suit la police, les anarchistes, le journaliste et sa compagne, des membres de services secrets, des chasseurs d'espion. Il y a pléthore de personnages et chacun peut s'identifier à l'un d'entre eux. Les pièges sont nombreux, et les retournements de situation aussi. Les morts s’enchaînent sur un bon rythme jusqu'au dénouement final qui en surprendra plus d'un.

Mon seul bémol dans cette lecture concerne la longueur des chapitres accordés à chaque protagoniste. Je les trouve trop courts et ils créent un suspense artificiel dont l'intrigue n'avait pas besoin. Sinon, c'est un bon thriller qui vous entraîne dans une époque inhabituelle pour ce type de roman, avec un contexte historique plutôt lourd et qui retranscrit parfaitement l'ambiance de l'avant guerre en France et à l'internationale.