Donjie a un frère, Kevin, qu’il idolâtre. Quand il se réveille sur son lit d’hôpital, il se souvient juste de la voiture qui fonçait à une allure folle avant le choc, poursuivie par la police. C’est son frère qui était au volant, mais Donjie s’obstine à ne pas répondre aux questions que les flics lui posent : pour lui, pas question de dénoncer son frangin. Il se tait donc, même s’il se rend compte que personne ne vient lui rendre visite à l’hôpital. Ni sa famille, ni ses amis.
Quand il sort enfin de l’hôpital, c’est pour retrouver la cité dont il est issu. Et comprendre que sa mère lui en veut d’avoir eu un accident, car désormais elle le considère comme un monstre. Comme une bonne partie des gens de la cité, d’ailleurs. Donjie tente de reprendre une place dans le quotidien de sa famille et de son quartier, mais il se heurte au mieux à l’indifférence, au pire à la violence.
Jusqu’au bout de la lecture, on espère que quelque chose va s’améliorer dans cette histoire. Que ce soit l’avenir de Donjie, de celui de sa sœur ou de Michelle, sa petite amie, mais on comprend vite que la cité englue ses habitants dans la pauvreté couplé à une ostracisation très poussée par les gens « d’ailleurs ».
Le récit prend place dans les années 70, tandis que l’Amérique tente de sortir du bourbier du Vietnam, et que l’Etat se contente de prendre chichement en charge ceux qui s’entassent dans des quartiers cités. Et les gens se résignent. Ils ne cherchent plus le bonheur, mais juste de la distraction, et s’aident de tout ce qu’ils peuvent trouver pour ça : alcool, drogue, sirop pour la toux, marijuana, tout y passe dans un cocktail paradisiaque mortifère. L’histoire en devient banale, mais prend aux tripes. Comment ces gens pourraient-ils s’en sortir ? Comment pourraient-ils rêver, alors que même leur adresse leur colle une étiquette sur le front, et que les employeurs leur refusent des contrats ?
Donjie va grandir tout au long de ce livre. On ne connait pas son âge — il ne le connaît pas lui-même —, mais on le suit depuis sa sortie d’hôpital jusqu’au drame qui l’amènera au seuil adulte. On le voit évoluer, sortir de l’influence de son frère, se poser des questions et tenter de survivre, tant bien que mal, dans un monde qui se révèle terriblement hostile.
Ce qui ressort le plus de ce récit, c’est la résignation de la plupart des personnes qui vivent dans la cité, comme une sorte de chape sur leurs épaules, comme si tout était joué d’avance et qu’ils ne pouvaient que subir leur destiné. C’est une plongée assez violente au cœur de l’Amérique pauvre des seventies, et elle rappelle, hélas, ce qui peut se passer à l’heure actuelle avec la crise des opioïdes et toutes ses dérives.
Une question demeure à la fin de ma lecture : qui sont ces hommes qui surgissent de la camionnette noire pour « aider » ceux de la cité ? Qui sont-ils ? Est-ce un pan de la culture américaine qui m’est inconnue (une sorte de légende urbaine ?) ou simplement une partie de l’histoire ?