Colleen McCullough s'est lancée dans une œuvre gigantesque avec talent pour raconter l'histoire de Rome et la fin de la république romaine.
On est en 100 avant JC. On va suivre particulièrement Caius Marius, qui n'est pas patricien, mais qui est riche et très intelligent et qui deviendra, fait très rare, Consul de Rome plusieurs fois de suite. On suit également Sylla qui, à l'inverse de Marius, est noble mais désargenté, et tout aussi intelligent que lui. Lui aussi deviendra un grand homme grâce à diverses actions plus ou moins légales.
Il n'est pas toujours facile de s'y retrouver avec les noms de tous les très nombreux personnages qui ont tous vraiment existé. Ils ont en général trois noms, comme par exemple Publius Rutilius Rufus ou Caius Julius César, certains peuvent même en avoir cinq. Il n'est pas facile également de s'y retrouver entre toutes les subtilités politiques de Rome. Heureusement un glossaire placé en fin d'ouvrage nous explique ce que sont les questeurs, les licteurs, les consuls (élus pour un an seulement), la plèbe, les proconsuls, les tribuns, etc. Il existe beaucoup de niveaux de pouvoirs et il n'est pas toujours évident de les appréhender. En début d'ouvrage, la liste des personnages permet également de mieux comprendre les liens entre tous les personnages.
Les débats au Sénat sont vivants, riches, animés et on comprend que, comme toujours, c'est surtout l'argent et la noblesse qui mènent ces hommes qui se disent intelligents mais qui en fait ne pensent qu'à leurs possessions. C'est tout le contraire pour Caius Marius et c'est lui qui réussira à sauver Rome des Germains, ces féroces ennemis. Avec l'aide très précieuse de Sylla, il va réussir à faire passer plusieurs lois (des lex) lui permettant de mener une guerre efficace contre l'ennemi. Mais pour cela, il faut œuvrer avec astuce pour ne pas froisser les sénateurs, fiers de leur pouvoir. Ce qu'il ne réussira pas toujours à faire, s'attirant l'animosité de nombre de sénateurs.
L'autrice décrit vraiment avec beaucoup de talent les méandres du pouvoir, de façon très détaillée, mais également la vie quotidienne des Romains, ainsi que des femmes de ces hommes de pouvoir. Bien sûr, les mariages sont faits pour nouer des alliances entre familles de patriciens. C'est pour devenir quelqu'un et avoir enfin l'imperium (le pouvoir pour un an, grâce au statut de consul de Rome) que Marius épouse Julia, la fille de Caius Julius César (le grand-père du Jules César que nous connaissons. Il y a quantité de Caius Julius César dans le roman, il n'est pas toujours facile de les distinguer).
De même, Sylla épouse Julilla, la jeune sœur de Julia, éperdument amoureuse de lui (au point d'avoir fait une grève de la faim pour pouvoir l'épouser), car il comprend qu'épouser une Julia (une fille de Julius) lui confèrera le statut qui lui manquait par manque d'argent. Mais les femmes n'ont pas d'autre pouvoir, pas de droit et doivent se soumettre au Pater Familia. Après l'autorité de leur père, elles passent sous l'autorité de leur époux.
J'ai particulièrement apprécié la description de la gestion de l'insula (un immeuble) acheté par Aurelia (la bru de Caius Julius César) pour assurer leur avenir, à elle et son mari (ils seront bientôt les heureux parents du célèbre Jules César, celui qui aura le titre de dictateur). Aurelia est une femme-maîtresse qui sait mener son affaire.
L'autrice a inséré dans son livre des cartes géographiques, des dessins (faits par elle-même) de certains personnages, ainsi que le plan de l'insula d'Aurelia, et le plan d'une maison romaine. Tout cela nous permet d'encore mieux nous imprégner de cette Rome vibrante, politique, vivante.
Des mariages, des guerres, des morts, des trahisons, des empoisonnements, des rencontres, des coups de foudre, ces neuf cents pages sont denses, riches, et on se retrouve vraiment plongé au cœur de l'Histoire avec un grand H avec ces hommes qui, eux, ne méritent pas tous un grand H. La bassesse, la bêtise, l'orgueil seraient-ils les véritables maitres de Rome ?