Les Chroniques de l'Imaginaire

Sur l'épaule des géants - Roux, Laurine

Barthélémy Aghulon ronge son frein dans ses Cévennes natales, auprès d'un père obsédé par la découverte de ce qui fait dépérir son exploitation de vers à soie sans écouter les hypothèses de son fils, ni même celles du génial Pasteur. Quand ce dernier propose d'emmener l'adolescent avec lui, c'est à peine si la pensée de la belle Eglantine fera hésiter celui-ci. Le voilà donc parti, avec Pasteur... et avec Socrate, son chat philosophe. Sa brouille avec le grand homme le fera revenir aux Mûriers, reconvertis entre-temps en domaine vinicole réputé, et il aura cette fois le courage de demander sa main à Eglantine, qui n'avait jamais cessé de l'attendre.

De leur mariage naîtront les jumeaux Jacques et Marguerite, trisaïeule du narrateur de l'histoire. Lors de leur premier voyage à Paris, tous deux font la connaissance des Trois Frères, restaurateurs en vogue amis de leur père. Marguerite tombe amoureuse du beau Audrain Piclet, fils du gardien de la ménagerie du Jardin des Plantes. Après la Grande Guerre, ils se marient, cependant que Jacques retourne aux Mûriers s'occuper de l'exploitation et veiller sur sa mère, rendue folle par la mort de Barthélémy, et sa grand-mère.

Et ainsi le lecteur continue à suivre la saga familiale sur plusieurs générations d'humains et de chats parlants. Le style est vif, les personnages croqués à la fois finement et à grands traits. Les femmes peuvent porter des noms de fleurs, mais elles sont le pilier de la famille, les hommes étant plus fragiles, et portés à suivre d'étranges lubies, de Lazare et sa pébrine à Audrain et l'albinisme. Les compagnons félins ne sont pas moins individualisés.

Marguerite, le personnage central, qui meurt à la première page à cent sept ans, a certes une vie romanesque, depuis ses rencontres de jeunesse avec Diaghilev et Picasso jusqu'à son héroïsme pendant la Seconde Guerre mondiale, sans se laisser décourager par le caractère rugueux de sa petite-fille Camélia. Dans la foulée, le lecteur revisite gaiement le XXe siècle, entre Paris et campagne, et la promenade constitue une plaisante distraction pour temps moroses, hautement recommandable.