Les Chroniques de l'Imaginaire

La maison des soleils - Reynolds, Alastair

La Millième Nuit approche ! Comme tous les deux cent mille ans, les membres de la Lignée Gentiane vont se rendre à leur grande réunion de famille. Des quatre coins de la Voie lactée, ils arriveront, chargés d'histoires à raconter et de choses à montrer pour enrichir les connaissances communes de la Maison des Fleurs. Ce rituel immuable leur permet de ne pas oublier d'où ils viennent : chacun d'eux est un clone d'Abigail Gentian, une pionnière du voyage interstellaire. Cela ne les empêche pas d'avoir leurs différences de tempérament, d'opinion ou même de genre. Ainsi, Campion se distingue par une bonne dose de nonchalance et un penchant aussi intense que mal vu pour Purslane, une autre clone, qui le lui rend bien.

Les membres de la lignée ne sont pas censés se fréquenter trop souvent, mais Campion et Purslane s'aiment trop pour s'en soucier, même si ça leur joue parfois des tours. D'ailleurs, la désinvolture de Campion risque de les mettre en retard de quelques dizaines d'années pour la prochaine Millième Nuit. Ils ont peut-être une chance d'arriver dans les temps s'il arrive à dénicher un vaisseau plus rapide que son bon vieux Badinage. Justement, un certain Ateshga se spécialiserait dans le commerce de tels vaisseaux à quelques années-lumière à peine de sa position actuelle. Campion ne se doute pas, et Purslane non plus, qu'en lui rendant visite, ils vont déclencher une succession d'événements qui vont mettre en péril leurs vies, celle de la Maison des Fleurs et peut-être même de toutes les créatures organiques de la galaxie.

C'est un vrai régal de retrouver des personnages et un univers que j'avais beaucoup appréciés dans La Millième Nuit. Avec davantage de pages à sa disposition, Alastair Reynolds peut dans ce nouveau roman aborder davantage de thèmes, du transhumanisme à l'intelligence artificielle en passant par l'histoire sur le temps (très) long, les effets de l'immortalité et des mondes virtuels sur la psyché humaine, mais aussi des choses toutes simples comme l'amour. La manière dont le récit alterne les points de vue de Campion et Purslane y contribue pour beaucoup. Cela n'a quasiment jamais d'intérêt dramatique, puisqu'ils savent tous les deux à peu près les mêmes choses au même moment, mais permet de mieux les camper en tant que personnages, aussi bien à travers leurs monologues intérieurs que dans la manière dont ils observent et appréhendent l'élu·e de leur cœur.

L'intrigue est efficace, même si elle repose sur des ressorts classiques comme l'amnésie (pas forcément involontaire) ou les secrets trop longtemps cachés. On a même droit à une petite enquête parmi les membres de la Lignée, comme dans La Millième Nuit, mais ce n'est qu'un fil secondaire de l'intrigue, et pas celui qui fonctionne le mieux, d'ailleurs, la faute à une galerie de personnages secondaires trop peu développée pour rendre ce proto-whodunit réellement intéressant. Heureusement que les grands mystères, d'ampleur littéralement cosmique, sont là pour donner envie de tourner les pages, avec des visions prodigieuses qui vous titillent agréablement le sense of wonder.

Si vous aimez les récits qui embrassent l'étendue d'une galaxie sur des centaines de milliers d'années, La Maison des soleils devrait vous plaire. Il n'est pas nécessaire d'avoir lu La Millième Nuit pour vous plonger dedans, mais le roman court pourra vous aider à décider si le plus long est fait pour vous ou non.