Ce numéro de la revue est appétissant à plus d'un titre. D'abord en ce qu'il ouvre le bal pour toute une série de parutions destinées à célébrer dignement le cinquantième anniversaire de la revue québécoise, dont deux numéros gratuits pour les abonnés, ce qui ne peut qu'encourager les fidèles lecteurs et lectrices à sauter le pas et à s'abonner ! Ensuite en ce que le volet Fictions est à déguster sans modération, étant à mon avis particulièrement bon dans ce numéro. Enfin parce que si vous n'êtes pas encore rassasié.e, la lecture des Carnets du Futurible, si elle ne vous coupe pas définitivement l'appétit, vous rappellera les différentes façons de faire de l'exercice...
Braise et étincelle, de Geneviève Blouin : Hilos ne supporte pas que son feu intérieur diminue, ne peut envisager de finir ses jours en sédentaire. Liéki le comprend, mais quel choix a-t-il ? Très belle nouvelle, touchante sur le thème difficile de la perte de ce qui est ressenti comme son identité.
Des krakens et des hommes, de Yves-Daniel Crouzet : Au lieu de transmettre son désir de "rentrer maison", ce bébé E.T. demande juste à Joe de l'aider. Celui-ci déteste ces Arcturiens envahisseurs mais faire du mal à un bébé ?! Jamais ! Une charmante nouvelle, pleine d'humour et bien écrite, avec des personnages fouillés et attachants.
Réalité liquide, de Martine Bourque : Smoke ne se remet pas de la mort de sa femme, Onyx. Peut-être qu'une IA l'aiderait ? Apparemment, l'inspiration de l'autrice ne s'est pas éclaircie depuis la nouvelle parue dans le numéro 219 de la revue, mais le futur que celle-ci dépeint est crédible, si elle est très très sombre, avec une chute terrible.
Besoin d'espace, de Marie Labrousse : Après le Grand Exode, les humains survivant péniblement sur une Terre ravagée ont renoncé aux étoiles. Celles-ci fascinent Priya, pourtant. C'est là une très jolie nouvelle, avec une bonne construction d'univers, et des personnages crédibles. Voilà un nouveau nom d'autrice à suivre.
Une autre façon d'être, de Célia Chalfoun : Pour chacun des membres de cette communauté, il s'agit de trouver à quelle forme d'être ils appartiennent véritablement. J'ai infiniment aimé cette superbe nouvelle sur le thème difficile du désir d'une mort qui ait du sens, et sur l'adaptation à une forme de communication, et d'existence, différente. C'est certainement ma préférée, d'une autrice dont j'avais déjà aimé une nouvelle parue dans le numéro 224.
Drôlement pratique, d'Eric Gauthier : Des vendeurs insistants commencent à apparaître partout. Entre SF et fantastique, cette nouvelle pleine d'humour noir met en image la puissance du désir, la cupidité amorale des grandes entreprises, et l'adaptabilité excessive des humains, dans ce style inimitable de l'auteur qui tisse réalisme et loufoquerie.
Dans ses Carnets du Futurible, intitulés Le gibier le plus dangereux, ou la chasse à l'homme considérée comme un divertissement public, Mario Tessier récapitule les oeuvres, principalement audiovisuelles, où la chasse à l'homme a été déclinée, sous une forme ou une autre, soit en référence à la chasse aux animaux sauvages, soit en référence aux jeux du cirque, c'est-à-dire pour l'amusement des spectateurs, le cas du bouc émissaire, ou de la victime expiatoire, étant traité à part.
Dans l'extrait du Daliaf présent ici, Claude Janelle évoque La Cité dans les fers, d'Ubald Paquin, paru en 1926, et qui semble n'avoir qu'un intérêt historique, n'appartenant au genre que de très loin. Ce texte, sans doute plus intéressant et parlant pour les Québécois, peut aussi l'être par contraste, pour montrer l'évolution de l'écriture du genre.
Enfin, parmi les nombreuses critiques rédigées pour ce numéro par Elisabeth Vonarburg et ses confrères et consœurs, j'ai repéré Le disque blanc, d'Esther Rochon, qui semble intrigant. Certainement d'autres lecteurs ou lectrices trouveront d'autres idées dans cette rubrique toujours bien fournie.