Amsterdam, 2017. Depuis la disparition mystérieuse de son mari et de sa fille, Anja sombre dans la solitude. Entre alcool et drogue, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Pour ne pas finir totalement à la rue, elle accepte un boulot sordide mais plutôt bien rémunéré : visionner des vidéos et faire le tri entre ce qui doit être censuré ou non.
Alors qu’elle commence doucement à remonter la pente, son passé ressurgit brutalement et une vidéo vient raviver un étrange mélange de peur et d’espoir. Au même moment, sur le site d’un ancien chantier naval, un cadavre sans tête est retrouvé pendu à une grue récemment réhabilitée en hôtel de luxe.
Karel Jacobs, inspecteur bruxellois, est appelé en renfort, l’affaire n’étant pas sans rappeler sa dernière enquête (voir Ineffaçables, de la même autrice). Il décide donc de mener des recherches de son côté. Ces dernières vont le conduire jusqu’en Indonésie où des corps décapités sont également retrouvés, abandonnés sur des sites touristiques à Bali.
Récemment muté sur l’archipel pour des soupçons de corruption politique, Guntur, flic javanais déchu et meurtri, part sur les traces du tueur, persuadé qu’il y a un lien avec des coutumes religieuses sacrées.
Dans le même temps, ailleurs sur l’archipel, deux hommes fuient un ennemi sans visage. Blessés et épuisés, ils devront faire un choix sans retour, au nom des traditions de leurs ancêtres.
Deux continents, trois pays et cinq destins qui convergent au cœur d’une jungle luxuriante et de la noirceur humaine la plus profonde, c’est un thriller clairement dépaysant !
J’ai eu un peu de mal au début à identifier les trois histoires aux lieux bien distincts mais à la temporalité similaire. Ce qui aurait pu vite me perdre, d’autant qu’il y a une multitude de personnages secondaires qui embuent un peu la clarté du récit. Par chance, on saisit assez vite le point de rencontre où se rejoignent les différentes intrigues.
Pour le coup, il faut reconnaître que Clarence Pitz ne laisse rien au hasard. Ses connaissances professionnelles en anthropologie et histoire de l’art ainsi que sa qualité d’écriture concourent à immerger totalement le lecteur au sein d’une enquête complexe mais haletante.
Il faut néanmoins avoir le cœur parfois bien accroché pour faire face au réalisme de certaines scènes sanglantes et cruelles (tortures, décapitations, cérémonies mortuaires glauques à souhait) qui n’ont rien à envier au film d’horreur des années 2000, Battle Royale.
Mais c’est aussi ce sens du détail visuel qui permet d’avoir la réelle impression d’avoir parcouru douze mille kilomètres, de se perdre dans des collines verdoyantes de rizières, des hectares de forêts qui s’enfoncent à l’horizon, d’entendre les cris cocasses des geckos, les coassements sans fin des grenouilles et même de sentir, au-delà du jasmin et du chèvrefeuille, la vibration insupportable des moustiques.
Ce thriller, sans être un coup de cœur absolu, m’a réellement transportée. Par contre, je n’ai pas compris le choix du titre, peu flatteur ni révélateur de la qualité rédactionnelle de l’autrice. Même si, à ce sujet, j’aurais souhaité une fin plus travaillée, ou en tout cas moins hollywoodienne. Un peu comme s’il avait manqué de temps ou de budget. Tout s’enchaîne d’un coup très vite et on reste un peu coi face à une dernière scène qui laisse sous-entendre qu’on n’en a pas vraiment terminé avec certains pans de l’enquête…