Anthony Malo est en train de mourir. Seul. Tel qu’il l’a choisi. Un dernier élan le pousse à se jeter dans le froid de la nuit. Une nuit plus noire que jamais où la moindre trace disparait sous une neige épaisse. Il réussit à se traîner jusqu’à la grange de sa bergerie où il laisse, comme un dernier appel, une couverture brodée, cadeau d’une femme qu’il a profondément aimée…
Cet homme solitaire est un véritable mystère pour les habitants du village perdu au fin fond des Alpes où son van l’a conduit à s’installer dix ans plus tôt. Taciturne et enclin aux affrontements physiques, si nécessaires, il a toujours gardé le silence sur ce qui l’a amené ici. Seul son visage couturé de cicatrices semble témoigner d’une vie cabossée, remplie de choix douloureux et de regrets.
De l’épilogue au prologue, en passant par les livres 3, 2, 1 respectivement associés aux femmes de la vie d’Anthony, ou plutôt aux fantômes de son passé, l’auteur nous embarque dans une chronologie inversée pour remonter jusqu’aux origines du mal.
Ce roman noir dont la couverture m’avait happée dès sa parution en poche s’est révélé être un exercice de style particulièrement surprenant par sa forme narrative. Commencer par la fin pourrait enlever du suspense et rapidement lasser, pourtant l’écriture est maniée avec soins et mon intérêt pour l’histoire de ce personnage atypique n’a cessé de grandir au fil des pages.
On est pris dans le tourbillon d’une vie aux rencontres décisives et par l’enchaînement de circonstances qui amènent à faire des choix cruciaux dont les conséquences sont d’emblée explicites dès le départ. C’est assez audacieux mais ça fonctionne et on se prend d’affection pour cet ermite bourru au cœur rafistolé qu’on se surprend à apprivoiser et à comprendre.
Alors que j’étais persuadée qu’il s’agirait d’un thriller où un homme seul devrait tenter de survivre face à l’immensité de la nature, j’ai eu peur de déchanter rapidement face à l’évolution de l’intrigue car de thriller il n’en est pas vraiment question. Pour autant, je suis ravie d’avoir découvert à la fois cet auteur et cette histoire parce que les sensations de lecture étaient intenses et inattendues.
J’ai aimé les citations de Thoreau, parsemées ici et là, l’analyse originale et déconcertante de sa vision du monde, la référence à Macbeth de Shakespeare avec le titre et puis les paroles de Moon River qui évoquent la douceur et la force de sa mère à travers la voix et les traits empruntés à Audrey Hepburn. C’est rare d’être pris dans le flux du temps et de pouvoir remonter la vie d’un homme à travers toutes ses expériences, de comprendre qui il était à la fin en terminant par ses premiers débuts. Voilà c’est ça, c’était rare et c’était beau.
Merci à Christian Carayon pour cette histoire que je peux à présent ranger dans ma bibliothèque de beaux souvenirs de lectures, celles dont les personnages restent toujours quelque part avec vous.