Les Chroniques de l'Imaginaire

Magellan - Zweig, Stefan

A trente ans, Magellan est déjà un soldat aguerri, et un marin expérimenté, qui est allé plus d'une fois aux "îles des épices" par la route maritime de l'est, autour de l'Afrique, qui est la seule connue à ce moment-là. Handicapé légèrement à la suite d'une blessure de guerre reçue au service de son roi, il rentre à Lisbonne et demande au souverain portugais de le mettre à la tête d'une flotte qui chercherait la route des Indes par l'ouest.

Renvoyé sèchement, il décide de tenter sa chance auprès de la couronne voisine, rivale du Portugal, celle d'Espagne. Le tout jeune homme qui est sur le point de devenir l'empereur Charles Quint accède à sa demande : cinq vaisseaux seront armés, avec Magellan comme amiral, avec pour but de trouver la route des Moluques en passant par l'ouest, ce qu'aucun navigateur n'a jamais réussi à faire... et ce n'est pas faute d'avoir essayé !

Magellan est un homme prudent et réfléchi, qui pensait avoir tout prévu pour un voyage susceptible de durer des mois voire des années. Malheureusement, il ne pouvait pas savoir que les informations auxquelles il s'était fié étaient fausses, et que le passage vers l'océan Pacifique était bien plus au sud que quiconque ne le pensait, ni n'était jamais allé. Par ailleurs, il ne pouvait changer son caractère, et son autoritarisme rigide, son abord rude et fermé, passent mal auprès de ses subordonnés, d'autant que ceux-ci sont des capitaines tout aussi expérimentés que lui, et de surcroît espagnols en regard de cet "étranger" portugais de petite noblesse.

Ceci explique sans doute qu'après sa mort sa mémoire n'ait pas été honorée, non plus que son testament.

Cette biographie se lit comme un roman ! Elle comporte aussi ce que, à mon avis, toute biographie devrait mentionner : une explication du contexte général, une histoire aussi exacte que possible de la vie et de la carrière du héros, et une chronologie à la fin qui reprend les éléments détaillés dans le texte.

La seule chose qui, pour moi, manque ici compte tenu du personnage concerné, est une carte. J'avoue que mes idées quant à la largeur du Pacifique par rapport à celle de l'Atlantique, par exemple, sont vagues, et que je ne saurais pas sans hésitation situer les Philippines par rapport au sud du continent américain. Du coup, j'aurais apprécié d'avoir un recours immédiatement disponible.

Je n'ai pas lu la précédente version française, et ne peux donc rien en dire. En revanche, j'ai énormément apprécié celle-ci, qui me semble rendre tout à fait le ton de Zweig, son humanisme et le lyrisme de son style. On ne peut que remarquer l'insistance qu'il met dans cette biographie sur l'humanité de Magellan, qui veillait à traiter tous les peuples qu'il rencontrait aussi respectueusement et pacifiquement que possible. C'est malheureusement une exception en ce XVIe siècle de découvertes et de colonisation au détriment des peuples autochtones, mais on notera aussi que la version originale du texte est parue en 1938, à un moment où la barbarie réapparaissait en Europe.

En somme, un livre que je recommande aux lecteurs et lectrices qui aiment l'auteur, ou les voyages de découverte, ou les livres d'aventures, maritimes ou autres, car il ne pourra que les satisfaire.