Les Chroniques de l'Imaginaire

L'affaire de l'île Barbe (Surin d'Apache - 1) - Petrosky, Stanislas

Janvier 1881, le tronc du cadavre d’une femme est retrouvé sur les bords de la Saône. Les restes du corps mutilé sont transportés à la morgue flottante de Lyon, installée sur une platte (sorte de bateau-lavoir grossièrement aménagé) et amarrée par de grosses chaînes sur le quai de l’Hôtel-Dieu où se presse quotidiennement une foule de curieux.

C’est là que les cadavres sont exposés avant d’être confiés au professeur Alexandre Lacassagne, pionnier de la médecine légale moderne, en charge des autopsies. À ses côtés pour l’épauler dans cette tâche, le docteur Coutagne et Ange-Clément Huin, un ancien délinquant anarchiste, membre d’un gang d’Apaches désormais repenti.

Ensemble, ils devront démêler les multiples pièges de cette enquête tortueuse, inspirée d’un fait divers lyonnais de la fin du XIXème siècle, avec en partie des personnages ayant réellement existé.

Ce polar sous forme d’enquête mêlant faits historiques et liberté fictive s’est révélé être une lecture très intéressante pour qui se passionne pour l’évolution de la médecine judiciaire et la naissance de la criminologie. Au risque de paraître ennuyeuse pour qui cherche davantage d’actions et de rebondissements.

Pour ma part, j’ai appris énormément de choses tant au niveau technique et scientifique que politico-historique avec notamment des annexes pointues et détaillées du docteur Amos Frappa qui permettent de recontextualiser l’époque et l’importance des lieux.

Étant lyonnaise depuis une dizaine d’années, certains endroits me sont particulièrement évocateurs comme la place Raspail, dans le quartier de la Guillotière, où demeurait le professeur Lacassagne (et où Jean Moulin a également logé plus tard). Mais également le quartier des Charpennes, peu recommandable à cette époque « tant les crimes et les délits y étaient monnaie courante ».

Une ville rebelle donc que cette capitale des Gaules au sortir de la révolte ouvrière des Canuts (1831) qui permet à Stanislas Petrosky d’insérer le personnage fictif d’Ange-Clément Huin, assistant belliqueux de Lacassagne et narrateur de son histoire. 

Les joutes verbales entre les deux sont un délice qui, en plus d’être plaisant à suivre, permet de confronter les points de vue et de faire avancer l’ensemble des observations scientifiques. Tout en remettant également à leur modeste place Morin, le commissaire spécial de la Sûreté, et Jacob, sous-inspecteur de police aux mœurs plus que légères et à la probité hypocrite.

Un livre hautement enrichissant et complet par bien des aspects. J’aurai comme seule critique à formuler le manque de rythme et d’ambiance une fois sorti de la salle d’autopsie.