Les Chroniques de l'Imaginaire

Le chemin de l'espace - Silverberg, Robert

Fin du XXIe siècle. Une religion fabriquée de toutes pièces connait un succès grandissant, avec des millions de fidèles. Son fondateur, Noel Vorst, propose d'adorer l'atome. Chacun des autels de la Fraternité de la Radiation Immanente est baigné du Feu Bleu d'un réacteur nucléaire au cobalt 60. Le secret de son succès ? Il promet aux fidèles l'immortalité et l'accès à l'espace lointain, pas forcément dans l'immédiat, mais dans un futur proche grâce à son programme de recherches très avancé. Ses scientifiques travaillent sur l'amélioration du corps humain, la génétique, mais également sur les pouvoirs psy variés manifestés par une partie de la population, les espers (ESP étant l'acronyme de "Extra Sensory Perception", en français "Perception Extra Sensorielle").

Le centre de recherches des Vorsters à Santa Fe est hautement sécurisé. Pourtant, la branche divergente - hérétique - des Vorsters, les Harmonistes, aimerait beaucoup percer ses secrets. Quitte à y envoyer un espion conditionné pour passer les multiples protections mentales.

Quelle bonne idée de rééditer ce roman de SF devenu introuvable ! Ce n'est certes pas le plus connu de son auteur, le réputé et prolifique romancier/nouvelliste américain de SF Robert Silverberg, récompensé par pas moins de quatre prix Hugo, cinq prix Nebula et neuf prix Locus. Mais c'est un chouette roman de SF à l'ancienne, proposant une histoire du futur plus optimiste que ce que l'on trouve actuellement avec la mode du post-apo. Le livre date de la guerre froide, en pleine course à l'espace, et on y retrouve ce désir d'explorer, de s'aventurer dans l'espace lointain.

Le récit a été initialement publié en cinq nouvelles dans la revue américaine Galaxy à partir de 1965, puis assemblé en roman en 1967. Vous pouvez d'ailleurs trouver des explications sur la genèse du projet dans la préface signée par l'auteur lui-même. Le découpage original subsiste, avec cinq parties relatant des événements séparés les uns des autres par quelques décennies. On y retrouve cependant les mêmes protagonistes, ce qui est rendu possible par leur longévité augmentée.

Le roman prend place dans un futur pas très éloigné du nôtre, si ce n'est que l'humanité a déjà commencé à coloniser le système solaire : Mars est peuplé de pionniers travaillant d'arrache-pied pour terraformer la planète, tandis que Venus accueille des humains modifiés pour s'adapter à son atmosphère, reconnaissables à leur peau bleue cyanosée et leurs branchies. Pas suffisant pour proposer une échappatoire à la Terre surpeuplée, qui doit songer à essaimer plus loin.

Le récit est assez linéaire, se focalisant sur une poignée de personnages principaux (même si chaque partie se focalise sur un homme différent), et ne se préoccupant guère d'étoffer le décor. Tout tourne autour de la religion vorster : un texte parle de conversion, un autre d'hérésie, mission de propagation de la foi, martyr, etc. On aborde également les raisons d'adhérer à un culte, le rapport au pouvoir politique, etc. Pas de grands discours cependant, le texte reste une lecture distrayante au ton léger et prenant. C'est un peu "magique", pas de hard-science ici, la manière dont les scientifiques arrivent à régénérer le corps humain ou dont les espers utilisent leurs pouvoirs importe peu, ce qui compte ce sont les impacts sur la société. Le roman a ce ton assez caractéristique de la SF de cette époque, et les sujets abordés aussi. J'avoue que l'association de voyages spatiaux avec des pouvoirs psy (la télékinésie servant à "pousser" les vaisseaux dans l'espace) m'a évoqué irrésistiblement le cycle du Vol de Pégase, mais vérification faite le cycle d'Anne McCaffrey est postérieur avec un premier tome datant de 1973.

Un bon récit de SF à l'ancienne, pour les amoureux du genre ou simplement ceux qui veulent s'évader de leur quotidien sans prise de tête.