Les Chroniques de l'Imaginaire

Les guerres précieuses - Tripier, Perrine

Au crépuscule de sa vie, alors qu'elle se trouve désormais dans une maison de retraite, Isadora repense à sa chère maison qu'elle a dû quitter à contrecœur. Ce n'est plus qu'une vieille bâtisse, aux fenêtres usées, au carrelage froid, à la toiture hésitante. Mais c'est la maison de sa famille, de son enfance, de sa vie entière. C'est là qu'elle a connu des jours heureux, que ce soit enfant alors qu'elle attendait impatiemment que les chambres accueillent les cousins, oncles et tantes venus passer l'été. Elle repense à leurs jeux dans le vaste jardin, à toutes les cabanes qu'ils ont reconstruites chaque nouvelle année. Avant que l'adolescence ne prenne le relais et que les copains et copines se mêlent aux sorties, que les cousinades se fassent plus rares, se clairsèment. Jusqu'à ce que chacun fasse sa vie de son côté, et laisse la maison dans un coin de la tête sans presque jamais y reparaître.

Isadora, elle, n'a vécu que pour cette maison, qui a abrité ses joies et ses peines. Elle lui a donné tout son amour, refusant le mariage qui aurait pu être heureux, mais qui aurait signifié de partir à la ville. Elle a continué à garder ce sanctuaire une fois seule héritière, faisant face aux difficultés pour subvenir aux besoins de la vieille dame de pierre. Les souvenirs s'égrènent en suivant le rythme des saisons et Isadora nous invite à les parcourir avec elle.

Qui pourrait croire que c'est une jeune femme de vingt-quatre ans qui a pu livrer un texte aussi abouti, aussi juste ? On entre sans peine dans la tête d'Isadora âgée, qui nous confie les tourments de son corps qui l’abandonne et de sa mémoire qui, elle, garde intacte les moments révolus. Une série de diapositives aux couleurs passées et pourtant si vives, que nous visualisons au fil des souvenirs, en revoyant les flocons de neige ou en sentant la chaleur du soleil sur les peaux dorées.

Les guerres précieuses est un roman vibrant d'émotions, d'une sensorialité et d'une douceur exceptionnelles. On ressort de cette lecture la tête pleine d'images, de sons, de couleurs, de lumière. Perrine Tripier a réussi à nous faire entrer dans un beau monde de tendre nostalgie grâce à son écriture suave, délicate, éminemment poétique. Assurément une autrice de grand talent, à suivre de très près, en espérant qu'elle nous offrira encore d'aussi jolis textes.