Tout commence petitement, par des incidents, des anomalies : un banc de poissons qui empêche un pêcheur de remonter sur son canot, des vers un peu inhabituels qui colonisent le talus continental qui borde la Norvège, là où s'accumulent les hydrates de carbone, des baleines qui migrent beaucoup plus tard que d'habitude vers le Nord, et deux d'entre elles qui peu de temps après leur arrivée, prennent le temps de "dévisager" Léon Anawak. Celui-ci, pourtant de longue date amoureux des mamifères marins, a un mauvais pressentiment suite à cet "examen" qu'il lui semble avoir subi.
La suite, ce sont des accidents, ou du moins ce qui semble tel au début, graves : des homards bourrés d'algue tueuse, un tsunami sur les côtes européennes, des attaques conjuguées de baleines d'espèces différentes sur des embarcations... Quitte à passer pour fou, Sigur Johanson ne peut pas s'empêcher de croire à un plan d'ensemble.
L'auteur écrit vraiment de façon remarquablement efficace, que ce soit dans les moments d'action, qui font de ce roman un thriller intense, ou dans les moments "intermédiaires", où il arrive à communiquer à son lecteur une foule d'informations, sur le sens des courants et l'histoire de la planète, par exemple, sans jamais être ennuyeux, ni donner l'impression qu'il fait un cours ou un exposé de vulgarisation scientifique. Cela tient entre autres au fait que les personnages sont tous très intéressants, complexes, bien campés, tant et si bien qu'on a beaucoup de regret à les voir disparaître.
L'auteur a réussi à créer une vie intelligente totalement différente, les Yrrs, qui, pour participer de notre planète, sont néanmoins complètement étrangers à l'homme. L'épaisseur du roman ne doit pas effrayer : il fallait bien cela pour l'ampleur planétaire de l'action, la quantité d'informations réunies et présentées habilement par l'auteur, et pour la diversité des points de vue.
Cette histoire de SF vieille de vingt ans a tout ce qu'il faut pour gagner de nouveaux lecteurs, surtout après sa récente adaptation télévisuelle, même si le sexisme de certains personnages accuse son âge. La constatation de son actualité porte à décourager de l'espèce humaine, mais au moins pas de la littérature. Je ne peux que recommander chaudement ce "pavé" pour les vacances, quoique peut-être pas pour l'emporter à la plage...