Composé comme une pièce de théâtre "pleine de bruit et de fureur", ce roman comporte trois parties. La première est une version modifiée de Noir est le sceau de l'enfer : on est donc en 1593, pendant que la Compagnie du Chariot est emprisonnée. Axelle, sa capitaine, est envoyée à Londres pour récupérer un miroir d'Artbon, chez John Dee, l'astronome et alchimiste de la reine Elisabeth Ière, et le remettre à Sir Walter Raleigh.
Le deuxième acte, La couleur des donjons, se déroule dix ans plus tard. Malgré les remords lancinants qu'éprouve Axelle à abandonner une fois de plus son mari Gilles et leurs enfants, elle est incapable de refuser la demande de la lieutenante Agnès de Loignac de retourner à Londres, pour s'y confronter une fois de plus à l'Ecole de la Nuit et au retors Raleigh. Si Sir Francis Drake est mort depuis leurs aventures communes, elle retrouvera ses amies - la poétesse Jane Anger, la courtisane Lucy Morgan et la voleuse Mary Frith - et fera la connaissance de William Shakespeare.
Enfin, le dernier, Et l'Ecole de la Nuit, prend place nettement plus tard, puisque nous sommes en 1621. Un nouveau roi règne en Angleterre, comme d'ailleurs en France, et Sir Walter Raleigh est mort aussi. Peu à peu, tous les anciens membres de l'expédition qui avaient fondé la fatale colonie de Roanoke disparaissent, le plus souvent de mort violente. Et le sceau de l'enfer est toujours au centre de tout, avec sa dangerosité et le péril qu'il représente.
Le roman se déroule dans l'univers de Royaume de vent et de colères et de La guerre des trois rois, avec des personnages connus, que les lecteurices de l'auteur reconnaîtront avec plaisir. On retrouve dans cette nouvelle parution des caractéristiques des précédentes oeuvres de Del Socorro : le mélange habile des genres de la fantasy et du roman historique, l'utilisation de personnages historiques comme "guest stars", ce qui pour ma part m'a permis de découvrir des femmes extraordinaires, comme Jane Anger ou Mary Frith, par exemple, et enfin cette recherche constante de tester de nouvelles formes d'écriture.
Les débuts de la colonisation anglaise de l'Amérique du Nord, et notamment les expéditions vers l'île Roanoke, sont l'un des fils rouges de l'oeuvre : l'auteur en effet y suppose de l'Artbon, rapporté en Europe, et dont l'Ecole de la Nuit, une société secrète constituée majoritairement d'anciens membres de l'expédition, cherche à connaître les secrets. Cela fonctionne bien pour relier entre eux les différents actes de ce roman nourri de références shakespeariennes, à commencer par son titre. Il est vrai que l'époque élisabethaine pourrait aussi être désignée sous le terme d'époque shakespearienne !
Le rythme est vif, et l'action trop constante pour s'attarder sur les décors ou les états d'âme des personnages, même si ceux-ci sont bien caractérisés et cohérents. Les références assumées à Alexandre Dumas sont plaisantes pour le lecteur ou la lectrice français.e. Avec cette nouvelle parution, l'auteur nous divertit, nous dépayse, et nous éduque, par exemple en nous permettant de découvrir Pour la protection des femmes, le pamphlet de Jane Anger, dont il a assuré la traduction, jointe en fin d'ouvrage. Il a aussi pris le soin d'indiquer les libertés qu'il a prises - ou pas ! - avec l'Histoire. En somme, une lecture agréable, parfaite pour passer un bon moment de vacances.