Depuis cinq ans, les échanges commerciaux entre le Continent Royal et Torla, situé de l'autre côté du monde, vont bon train. Tous sont très satisfaits de faire plus ample connaissance.
La reine de Monsea, Bitterblue, comprend cependant que quelque chose cloche quand elle apprend que les émissaires qu'elle avait envoyés à Garde-Hiver, et qui ont disparu en mer de manière suspecte, souhaitaient lui transmettre une information importante sur le zilfium qui n'est malheureusement pas arrivée à destination. Bitterblue sait que le zilfium est un carburant précieux utilisé sur tout le continent de Torla, sauf Garde-Hiver où il est illégal car polluant. Bien maigres renseignements !
Bitterblue décide donc qu'il est temps de faire la visite diplomatique en Torla qu'elle projetait depuis un moment. Hélas, elle disparait elle aussi en mer avant leur arrivée, laissant son ami Giddon et sa demi-soeur Hava seuls pour enquêter malgré leur affliction.
Tous les romans de la série Graceling peuvent se lire indépendamment, mais celui-ci est clairement la suite directe de Bitterblue. On y retrouve la jeune reine de Monsea et son entourage, quelques années plus tard.
Par contre, on laisse de côté les royaumes du Continent Royal pour s'intéresser aux nations plus lointaines de Torla, et plus spécifiquement Garde-Hiver. A Garde-Hiver, il n'y a ni Gracelings ni Monstres, mais certaines personnes ont le privilège de communiquer mentalement avec des otaries-moirées qui leur transmettent des histoires confuses, ou de se lier avec des renards bleus télépathes. Si la magie en est absente, Garde-Hiver possède une technologie avancée, notamment des dirigeables dont le pays est très fier. C'est une démocratie évoluée, avec des écoles renommées, une médecine de pointe, des produits de luxe. Cela peut faire rêver.
Comme dans toute démocratie, il y a également des politiciens. Une foultitude de politiciens, répartis en deux partis opposés, mais qui des deux bords s'intéressent plus au pouvoir et à l'argent qu'aux idéaux qu'ils sont supposés défendre. Il n'y a quasiment personne pour défendre le point de vue des gens simples qui vivent loin de la capitale, et encore moins pour soutenir l'écologie sans arrière-pensée.
Tout cela, on va le découvrir à travers différents personnages, comme Bitterblue ou Giddon, mais la personne qui va le plus évoluer dans cette histoire, c'est Lovisa Cavenda. Elle est curieuse et intelligente, mais parfois encore naïve. Fille de deux parents politiciens influents n'appartenant pas au même parti, elle fait des études en politique mais est plutôt désabusée : elle a bien compris que les Erudits et les Industrialistes, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Elle ignore cependant que sa vision du monde est encore étriquée. Pour couronner le tout, elle craint sa mère, souvent violente, et regrette de ne pas pouvoir protéger ses petits frères qui subissent des maltraitrances au quotidien alors qu'elle même étudie à l'académie. Et pourtant, c'est sa mère et elle l'aime. Bref, c'est une jeune fille dont la vie n'est pas aussi facile qu'il y parait, et qui va se retrouver sans le vouloir au coeur d'événements qui la dépassent et qui vont la forcer à prendre des décisions difficiles.
Le roman est assez épais (plus de sept-cents pages), il ne faut donc pas s'étonner que l'intrigue avance assez lentement au début. Il faut attendre la moitié de l'ouvrage pour que le ryhtme s'accélère, mais ensuite il y a beaucoup de rebondissements. Les mystères sont nombreux et il est bien difficile au départ de comprendre comment tous les éléments s'assemblent entre eux. C'est une lecture prenante, on a toujours envie de savoir ce qui va se passer après et comment cela va se terminer. Seuls les amateurs de romance resteront un peu sur leur faim, car la romance principale de cette histoire est entravée par le fait que les protagonistes sont séparés la plupart du temps.
Winterkeep est peut-être un peu en deça des autres tomes de la série Graceling, mais il reste une très bonne lecture, avec des personnages attachants et une intrigue captivante qui porte des sujets de fond. Il confirme tout le bien que l'on pensait de l'autrice.
Seul bémol : quel dommage d'avoir un titre en anglais pour le roman, qui ne correspond à rien puisque dans l'ouvrage le nom du pays est toujours traduit !