Comme chaque année, le numéro estival inclut le texte lauréat du Prix Solaris. Les autres fictions sont d'ailleurs d'excellente qualité aussi. Qu'on en juge !
La douleur des crépuscules, d'Annie Tenaglio : Sara doit se rendre à l'évidence : le cancer qui torture sa mère est en phase aussi finale que la ville où elles résident face à l'avancée des sables-voraces. Je ne suis pas surprise que cette nouvelle ait obtenu le Prix Solaris 2024. En effet, elle est superbe, à la fois intelligente et sensible, dans son évocation d'une planète étrangère et dangereuse, où les humains colonisateurs se sont comportés comme ils l'ont toujours fait, à leur grand dam, et dans une relation mère/fille lumineuse, complexe et tendre. Cet équilibre n'est pas si facile à trouver et maintenir, et fait de cette autrice un nom à retenir.
Prélude à Byzance, de Claude Lalumière : Comme dans toute guerre, il y a des profiteurs pour en tirer parti et attiser le conflit. En l'occurrence, ils se nomment les Doigts Invisibles, et Emile est chargé de repérer leur espion à bord de la branche sud de l'Orient-Express. Voilà une nouvelle fort bien écrite, aux faux airs d'Agatha Christie, dans un paysage géopolitique qui n'est que trop vraisemblable. Elle s'inscrit très certainement dans cette mosaïque d'uchronie d'espionnage dont l'auteur me parlait en 2019, et j'en lirais avec le plus grand plaisir d'autres textes.
Point d'orgue, de Frédéric Parrot : De cette apocalypse de bruit et de fureur, une universitaire a sauvé une graine. Cette courte nouvelle m'a paru infiniment intéressante dans son traitement du thème de la construction d'un mythe religieux, et de la fonction de celui-ci.
Tuer une gorgone, de Colleen Anderson : Dans cet univers de hordes violentes et d'atmosphère acide, où l'eau se raréfie, comme les connaissances, il est difficile de laisser partir la sagesse. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle issue de la revue On Spec, pour sa réflexion sensible sur la difficulté angoissante à penser par soi-même, d'autant qu'elle se déroule dans un univers bien décrit, de façon à la fois allusive et précise.
Un an après notre première visite, Sébastien Chartrand nous rouvre les portes de son Cabinet de Curiosités surnaturelles, cette fois dans la salle des cartes et autres portulans. Consacrées à la cartographie fictive, ses différentes parties couvrent les différentes géographies imaginaires qui ont peuplé les bibliothèques pendant des siècles - et parfois jusqu'aussi récemment que le siècle dernier ! -, avant d'inspirer les auteurs de l'imaginaire. C'est donc ici qu'on trouvera des cartes de l'Atlantide ou de la Grande Tartarie, et qu'on ira chercher le royaume du Prêtre Jean parmi les autres royaumes perdus de l'Afrique fabuleuse.
Dans ses Carnets du Futurible, Mario Tessier aborde cette fois la thématique du sosie en SF, et ce dans ses différents avatars, depuis le double fantastique halluciné par Maupassant dans Le Horla, jusqu'au double virtuel, en passant par le clone. Il détaille les différences selon que la doublure est accidentelle ou délibérée, biologique ou mécanique, humaine ou extra-terrestre... Alors même que ce thème me passionne, je n'imaginais pas qu'il en existait autant de déclinaisons possibles ! Encore une fois une recension complète autant que passionnante, avec une bibliographie impressionnante.
La partie Critiques est cette fois précédée d'une présentation par Natasha Beaulieu du court-métrage Time Space Love, et présente des parutions québécoises ou françaises aussi tentantes les unes que les autres.