Patito est naufrageur sur l'île de Grouille, un caillou perdu aux franges de l'Archimonde. Ce n'est pas une vie facile, mais du haut de ses dix ans, le jeune garçon n'en a jamais connu d'autre. Tout bascule lorsqu'il rencontre un soir Syzygie, une inconnue pas banale à plus d'un titre : deux fois plus haute que lui, couverte de bijoux, dotée d'une voix à se faire pâmer les anges, et complètement amnésique. Les deux ne tardent pas à se lier d'amitié, la géante ayant besoin d'un guide dans ce monde où tout lui est inconnu et le jeune garçon comptant bien profiter de son aide pour régler quelques comptes. Mais rien n'est simple dans l'Archimonde et le duo va se retrouver pris dans toutes sortes d'aventures, de la dernière représentation du Théâtre Épuisant à la guerre entre poulpiquets et triqueniques en passant par la dictature de l'Archipape de Natal ou les secrets de l'Académie des Arts de Port-Cristal.
Mille Saisons est un projet un peu fou de Léo Henry : un feuilleton au long cours, conçu en premier lieu avec et pour ses deux jeunes fils, dont il envoie chaque semaine un nouveau chapitre aux gens qui s'inscrivent à la mailing list dédiée. Lancé en 2021, ce projet est prévu pour durer au moins dix ans ! La Géante et le Naufrageur en rassemble la première année, soit cinquante-deux chapitres répartis en quatre saisons et quatre intermèdes. Comme l'explique l'auteur dans sa postface, le mot d'ordre est avant tout le plaisir. Plaisir d'écrire, plaisir d'imaginer, de partager, de s'amuser tout simplement.
La structure feuilletonesque fait qu'on ne s'ennuie jamais : les chapitres sont courts, l'action est au rendez-vous et le suspense aussi. Il en découle également un aspect un peu décousu et foutraque par moments qui n'enlève rien au plaisir de lecture, bien au contraire. Le ton général est plein de gouaille et de répliques cinglantes de la part de personnages bien campés, mais même si l'humour est omniprésent, les moments plus graves et sérieux n'en perdent pas leur impact pour autant, comme dans les meilleurs Pratchett. Bref, c'est un numéro d'équilibriste délicat mais franchement bien maîtrisé qu'il nous est donné de voir au fil de ces pages.
Si je devais faire un reproche au livre, ce serait peut-être sa fin un peu abrupte, mais j'imagine que c'est un aléa propre au genre feuilletonesque. En tout cas, elle n'a en rien altéré mon excellente impression du reste de ce tome 1. J'ai déjà hâte d'entamer le tome 2, L'éveil du Palazzo, en attendant de rattraper mon retard sur la mailing list.