Les Chroniques de l'Imaginaire

Les eaux de sous le monde - Platteau, Stefan

A Feddrantir, le fleuve a gonflé, les eaux sont montées, et le mage Peyr Romo s'est trouvé piégé dans la ville inondée. L'abbesse Agyre, qui est à la tête du Saharon, est une vieille connaissance de Peyr, et elle fait appel à lui non pas pour son propre ordre, mais pour celui, rival, d'Harien Nimir. En effet, depuis les crues, les Servantes du Nimiron sont visitées par une corneille blanche surnaturelle, et depuis peu par une ombre à forme humaine, une Nonne blafarde en tenue de Sahariste. Etant donné cette circonstance, et le long passé d'animosité entre les deux ordres, Agyre tient à aider, et s'est offerte à rémunérer elle-même les services du magicien.

Lors de son arrivée au Nimiron, Peyr Romo fait la connaissance de la Révérende Mère Arandith, et de ses Servantes. L'une d'entre elles, Azal, est une noueuse, au corps déformé par une maladie qui l'a verrouillée dans une position incommode, puisqu'elle ne peut plus se déplacer qu'à quatre pattes. Cela n'a pas assombri son caractère solaire ni sa joie de vivre, et elle profite de son handicap pour fréquenter assidûment les cryptes sur lesquelles a été bâti le temple. Elle offre d'y amener le magicien, et celui-ci y découvre un ancien puits ouvrant sur l'Inframonde, fermé par une grille et des runes de pouvoir des anciens. Il réalise rapidement que cette ouverture a servi à jeter tout ce que les habitants du dessus voulaient oublier. Mais la crue a remonté à la surface les souvenirs enfouis.

Ce roman est une réédition d'une partie des Embrasés. Ceux et celles qui ne l'auraient pas lu, mais seraient en revanche familie.re.s du Dévoreur, y retrouveront le mage Peyr Romo, encore bien secoué après sa rencontre avec l'ogre. L'atmosphère en est toutefois très différente. En effet, l'intrigue ici se déroule dans une ville sinistrée, où la faim et la maladie assaillent la population, surtout bien sûr les plus pauvres. On y voit revenir au jour, non seulement les ombres de vieux crimes, mais aussi les superstitions liées aux Nagas, et une xénophobie rampante visant des "immigrés" à la culture différente de celle de la majorité.

La mise en scène surnaturelle, dans un univers de fantasy riche et cohérent, du "retour du refoulé" est parfaitement réussie. Les personnages sont variés, tous cohérents et attachants, à commencer par Azal. C'est très habilement fait, par exemple en montrant que le mage non plus n'est pas épargné par les traumatismes incomplètement affrontés. Le style de l'auteur est toujours aussi plaisant dans sa puissance évocatrice qui en fait une fête pour les sens, en ce qu'il n'en oublie aucun dans ses descriptions.

C'est vraiment un auteur d'imaginaire que je ne peux que recommander chaudement, et ce roman en particulier me semble une bonne porte d'entrée à son univers pour ceux et celles qui ne le connaîtraient pas encore.