Les Chroniques de l'Imaginaire

L'hôtel du Rayon Vert - Pavloff, Franck

Cerbère, dernier village français avant l’Espagne. Dans cette bourgade frontalière, il ne reste de la Belle Époque que l’hôtel du Rayon Vert avec ses trois étages en ciment armé, fiché comme un Titanic au cœur de la gare. 

Depuis la terrasse qui surplombe la Méditerranée, les clients guettent le salut furtif du soleil de feu qui embrase les collines environnantes jalonnées de figuiers de Barbarie et de sombres ceps de vignes avant que la nuit ne tombe.

Au-delà d’un lieu de mémoire, théâtre d'exils par tout temps de guerre (franquisme, nazisme ou des migrations plus récentes) et berceau de nouveaux espoirs, c’est dans ce décor, à la fois mythique et un peu irréel, que Franck Pavloff a choisi de donner corps aux personnages de son dernier roman.

Digne de l’infatigable voyageur littéraire qu’il est, on y croise une photographe globe-trotteuse, un violoniste revendiquant l’héritage du poète Antonio Machado, une jeune femme à peine libérée de prison, le fantôme du philosophe allemand Walter Benjamin mais aussi le libraire de Collioure, village voisin, ou encore le responsable du poste d’aiguillage des trains et sa fille trapéziste qui aide les migrants de passage à Cerbère.

Que sont-ils venus chercher, tous, sinon leur propre vérité, faite de rêves, de projets fous, d’audace et d’espérance ?

Dans une atmosphère surannée qui m’a, par moments, évoquée le film Minuit à Paris, l’auteur de Matin Brun (la nouvelle devenue culte) met sur le devant de la scène un lieu inoubliable de mes vacances d’enfant passées l’été sur la côte Vermeille : l’hôtel du Rayon Vert, dont je me rappelais encore les contours à défaut du nom.

Réalisation architecturale emblématique, ayant eu son heure de gloire à l’époque Art Déco et classé monument historique depuis 2002, on ne pouvait imaginer meilleur cadre pour mélanger des histoires de vie qui fusent dans tous les sens. 

C’est un texte riche et dense où les destins prennent vie, se heurtent, s’entremêlent ou se scindent. Les croisements entre les nombreux personnages ont de quoi faire quelques fois perdre le fil mais il en demeure malgré tout une sorte de réconfort sous-jacent tel un appel à la paix, à la solidarité et à la fraternité d’autant plus pertinent vu l’état de notre monde actuel. 

Rien de mieux que d’interroger le présent pour tenter de décrypter un passé qui semble encore parfois à portée de mains. Une lecture assez complexe et difficile mais qui m’a néanmoins transportée pendant quelques heures au cœur de mes propres souvenirs et dont je ressors pleine de gratitude et de nostalgie.