Les Chroniques de l'Imaginaire

Elizabeth Finch - Barnes, Julian

Trentenaire entre deux divorces, Neil s'inscrit à un cours universitaire intitulé Culture et Civilisation, dispensé par Elizabeth Finch. Cette professeure brillante tient par-dessus tout à encourager ses étudiants à penser par eux-mêmes, à cultiver en eux le doute quant à ce qui leur est transmis. Cette méthode ne convient pas à tous : si Neil est fasciné, Greg est révulsé par le seul fait que Finch se permette de citer les Libres propos de Hitler. Et peu importe que ce soit au sujet de Julien l'Apostat.

Dans les deux décennies suivantes, jusqu'à la mort de E.F., comme la surnomme Neil, tous deux déjeuneront ensemble deux ou trois fois par an, et poursuivront une conversation intermittente. A la mort inattendue d'Elizabeth Finch, Neil est surpris de découvrir qu'elle lui a légué ses papiers personnels. En cherchant la raison de ce legs, il va s'intéresser lui aussi, comme elle l'avait fait précédemment, à la figure restée controversée de Julien II, surnommé "l'Apostat", le dernier empereur romain polythéiste.

Julien et E.F. se ressemblent, étant tous deux des personnages appartenant au passé, voués à disparaître après avoir échoué, mais non sans être diffamés. Ainsi la première partie montre une professeure s'essayant plus ou moins vainement à faire réfléchir en-dehors des rails commodes de la doxa contemporaine des trentenaires étrangers au jeu de la réflexion philosophique indépendante. La deuxième partie décrit la vie de Julien, telle que rapportée au fil du temps dans un certain nombre d'ouvrages de référence dont la liste faisait partie des papiers légués à Neil par E.F.

Julian Barnes défend dans ce roman ces valeurs peu en vogue à l'heure actuelle que sont la pensée critique et la liberté de penser en général. Ses deux personnages, Julien et Elizabeth Finch, ont payé le prix de penser, et se conduire, à rebours de la majorité de leurs concitoyens.

Le roman est habilement construit, le style est délicat, allusif et plein d'ironie, avec des personnages typiquement anglais, comme Christopher, le frère d'Elizabeth, mais aussi le narrateur. Les réflexions qu'il contient sur l'Histoire, sa fausse objectivité, et la façon dont elle est établie et enseignée, ainsi que sur le couple, les différentes formes d'amour, et l'engagement ne sont jamais soulignées lourdement, et de ce fait encore plus efficaces.

C'était ma première expérience de cet auteur, et je suis curieuse de ce qu'il a écrit d'autre. Toutefois, il ne plaira sans doute pas à tout le monde, car c'est une lecture exigeante, sous son apparente facilité.