Ce nouveau hors-série de Galaxies SF rassemble seize nouvelles ayant concouru au prix Alain le Bussy 2023 dont le jury a estimé qu'elles méritaient une mention spéciale, ainsi qu'une nouvelle inédite du rédacteur en chef Pierre Gévart. Sans surprise, le jury a fait du bon boulot : tous ces textes sont très bons et méritent amplement leur publication.
Une journée d'Autumn, de Rachel Arriaga : la personnification de l'automne est accusée d'avoir assassiné son frère, incarnation de l'été, par jalousie. Un étrange récit à mi-chemin entre l'allégorie, la télé-réalité et le whodunit : combinaison inattendue mais qui fait mouche.
No man's land, de Stéphanie Barzasi : une jeune chercheuse en exploration hors de la bulle de sa société futuriste est confrontée aux émotions et sensations du passé. Une belle lettre d'amour à la lecture.
Un royaume de soleil et de pierre, de Didier Bertrand : une jeune femme se voit offrir un voyage dans le temps, mais la destination ne correspond en rien à ses attentes. Glaçant à souhait.
De l'intérêt de la restauration des pandas et autres espèces disparues, d'Anthony Boulanger : ce huis clos spatial offre une réflexion sur la biodiversité où les choses ne sont pas exactement ce qu'elles semblent être. Admirablement construit.
Le Dieu Sékoi, de Philippe Caza : des exobiologistes tombent accidentellement sur une forme de vie très particulière. Comme toujours avec Caza, c'est loufoque et grivois à souhait.
Ad Aeternam, de Jonathan Colle : comment faire pour mourir dans une société où la mort n'existe plus ? C'est un thème classique mais qui reste philosophiquement prenant.
Le fils du fossoyeur, de Nicolas de Torsiac : cette histoire qui entremêle sorcellerie et technologie en pays masaï est celle qui m'a le moins convaincu, notamment parce qu'elle est constellée de fautes d'orthographe.
Intrication, de Julien Gio : un blogueur spécialiste en cryptomonnaies est victime d'un kidnapping. Un traitement classique pour un sujet d'actualité.
Gender Studieuses, de Morgane Guilhem : un autre texte tristement d'actualité sur la menace perpétuelle qui pèse sur les droits reproductifs des femmes.
Mémoire vive, de Lucie Heiligenstein : dans une société divisée en castes étanches, le pouvoir ne réside peut-être pas où on le croit. C'est une nouvelle qui renferme une densité impressionnante de worldbuilding en peu de pages et j'aimerais beaucoup en lire un traitement plus long.
Le vol, de Cédric Ledoux : deux jeunes femmes se préparent à partir pour l'Australie dans un futur où cela n'a plus rien d'anodin. Les personnages sont très attachants.
Hermétique, de Thomas Lop Vip : dans un futur au goût carcéral, il ne reste plus que la réalité virtuelle pour se défouler. Juste assez ambigu pour se détacher des nombreux traitements de ce thème classique.
Rebut, de Benjamin Lupu : une rencontre inattendue dans le désert espagnol. Le récit est bien mené mais j'en retiendrai malheureusement surtout une propension un peu excessive à l'utilisation des notes de bas de page.
Pitchounette, de Gauthier Nabavian : une intelligence artificielle se retrouve dans la peau d'un chat. Plein de roublardise et très amusant.
Vivre 2074, de Philippe Pinel : encore un futur dystopique et inégalitaire, où les mieux loties ne sont pas celles qu'on croit. C'est encore un sujet rebattu, mais sa forme (un dialogue entrecoupé de publicités) lui permet de tirer son épingle du jeu.
Mélodie ancestrale, de Céline Rowzia : une lettre venue du passé vient bouleverser la vie d'une compositrice réputée. Simplicité rime avec efficacité pour cette nouvelle qui présente la musique comme une passerelle entre les générations.
Le regard dur, de Pierre Gévart : un couple se fissure inéluctablement à la suite d'une catastrophe naturelle. Cet excellent texte bonus montre tout ce qu'apportent des années d'expérience à un écrivain en termes de caractérisation, de construction narrative et de style.