Peu avant l'an mil, le roi Olaf Tryggvason œuvre à l'unification et à la christianisation de son royaume de Norvège. L'ère viking touche à sa fin et l'heure est à la paix et au commerce sous l'égide du Christ et de ses saints. Ces changements ne font pas l'unanimité à la cour, notamment pour le berserkr Didrik Roderiksson, frère juré d'Olaf, toujours fidèle aux anciennes croyances, aux Ases et aux Vanes. Olaf souhaiterait parvenir à un compromis entre l'ancienne et la nouvelle foi, mais il doit composer avec l'intransigeance des missionnaires chrétiens. Ces derniers ne voient pas d'un bon œil l'idée d'Osmond, le frère de Didrik, de déclamer lors d'un banquet une grande saga célébrant les exploits de leur père Roderik Vikarsson.
Dans la postface de Malemort, Aurélie Haderlé explique s'être beaucoup inspirée des sagas nordiques pour rédiger son roman. C'est très perceptible dès les premières pages : la narration est lapidaire et sèche, avec des phrases simples et des verbes au présent. Cette aridité stylistique confine parfois à l'article de Wikipédia, surtout avec les abondantes notes de bas de page qui, pour intéressantes qu'elles soient, ne sont pas toujours indispensables à la compréhension et tendent même à briser l'immersion.
Les choses changent une fois qu'on quitte le récit-cadre pour entrer dans l'histoire proprement dite : les notes se font plus rares et le style plus conventionnel. Les aventures de Roderik sont passionnantes, pleines de magie et de mystère, qu'il s'agisse de la chasse à une Bête sanguinaire ou de la lutte contre une sorcière maléfique. On y ressent vraiment l'amour de l'autrice pour la culture et le mode de vie des Scandinaves du Moyen Âge. Elle adopte à merveille leur façon de voir le monde sans jamais tomber dans le piège de l'anachronisme. Tout juste pourra-t-on regretter la vision un peu caricaturale qu'elle donne de l'Église, qui apparaît comme souvent dans les romans historiques modernes comme une influence néfaste et obsédée par la destruction de ce qui ne s'accorde pas à son dogme.
Malemort est un très chouette roman historique mâtiné de fantastique. Il ravira à coup sûr les gens que passionnent les Vikings et la mythologie nordique, mais les autres auraient tort de ne pas y jeter un œil, d'autant qu'il est court et se lit vite.