Alésia fait partie de ces jalons de l'histoire de France dont il est difficile de ne pas avoir entendu parler lorsqu'on a passé du temps sur les bancs de l'école ; et même dans ce cas-là, il suffit d'avoir ouvert un jour un album d'Astérix pour avoir une petite idée de quoi il s'agit, aussi vague et déformée soit-elle.
Le siège d'Alésia, qui prend place pendant l'été de l'année 52 avant notre ère, oppose les forces gauloises de Vercingétorix aux légions romaines de Jules César, deux individus ayant acquis depuis une stature mythique. L'historiographie (à commencer par le propre récit de César dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules) a fait de cet affrontement le point de départ d'une véritable civilisation sur le territoire français, les Gallo-Romains lettrés et raffinés remplaçant des Gaulois désunis, rustres et analphabètes.
Il s'agit évidemment d'une image d'Épinal qui ne rend pas justice à la réalité et le livre de Jean-Louis Brunaux remet efficacement les pendules à l'heure. En dépit de son titre, la description du siège d'Alésia n'en occupe que le premiers tiers. Elle s'appuie bien entendu sur les Commentaires de César, mais utilise judicieusement les apports de l'archéologie et de la recherche historique pour le nuancer ou le remettre en question lorsque c'est nécessaire.
Le reste du livre offre une mise en contexte détaillée des événements de l'an 52. Il brosse le portrait d'une Gaule méconnue, dont les habitants étaient plus cultivés et raffinés qu'on a tendance à les imaginer. Leur vie reste parfois difficile à saisir, car ils n'étaient pas une civilisation de l'écrit et ce sont surtout leurs voisins grecs, puis romains, qui les ont décrits, mais encore une fois, la lecture critique des sources et l'archéologie en offre des aperçus fascinants.
Un dernier chapitre présente de manière concise la postériorité historiographique d'Alésia, terrible défaite et événement fondateur de l'histoire de France, ainsi que le rôle ambigu de Vercingétorix dans le roman national français qui s'élabore à partir du dix-neuvième siècle.
Cet Alésia est dense, mais il bénéficie d'un style clair qui en rend la lecture très agréable, et les quelques cartes qui l'agrémentent sont tout à fait bienvenues. Comme souvent avec Folio, son principal défaut est d'avoir recours à des notes de fin de livre plutôt qu'à des notes de bas de page, ce qui oblige à de fastidieux va-et-vient. Pas de quoi ne pas vous le recommander si l'histoire antique vous intéresse un tant soit peu.