Les Chroniques de l'Imaginaire

La prochaine fois, le feu - Baldwin, James

La prochaine fois, le feu rassemble deux textes de James Balwin, écrits respectivement en 1962 et 1963, qui concentrent à eux deux les grandes lignes de la pensée de l'auteur sur la condition des noirs aux Etats-Unis.

Dans Et mon cachot trembla, James Baldwin s'adresse à son neveu. Il l'enjoint à ne pas oublier d'où il vient et surtout, de ne pas se refuser d'aller là où il veut. Les blancs ont contraint les noirs pendant des décennies à rester dans des cases et à ne pas en bouger. Ils les ont assignés à un rôle d'êtres inférieurs et soumis. Mais James, le neveu, se doit de détruire ces barrières et briser le plafond de verre.

Beaucoup plus long, Au pied de la croix est une réflexion sur la cohabitation entre les noirs et les blancs aux États-Unis. James Baldwin les dissocie avec raison des noirs des autres pays car les Afro-américains sont les seuls à avoir été massivement arrachés à leur terre natale. Il fait pour cela appel au procédé de l'autobiographie, s'appuyant sur son enfance, ses rencontres, et il accorde une place prépondérante à son rapport à la religion, qui s'est estompé au fil des années. Rappelons-nous que le père de James Baldwin était pasteur et que le fils s'apprêtait à suivre ses pas. Mais des interrogations l'ont détourné peu à peu. Si Dieu est amour, pourquoi est-il aussi dur avec les noirs ? 

Il fait part également de sa rencontre avec Elijah Muhammad, chef de file du mouvement suprématiste noir. Si l'homme est impressionnant par sa détermination et sa confiance en ses idées, James Baldwin se démarque rapidement de son courant de pensée. Il réfute l'idée de suprématie, voire de confrontation. L'Histoire est telle qu'on la connaît, injuste, tragique, inexcusable. La colère est légitime. Mais il est temps de dépasser le sentiment de vengeance pour créer ensemble, noirs et blancs, un monde nouveau.

James Baldwin ne fustige d'ailleurs pas les blancs, qu'il considère quelque part victimes de leur propre histoire, habitués qu'ils sont à considérer le noir comme inférieur, sans se remettre en question. Eux aussi sont conditionnés et il appartient aux esprits plus éclairés de bousculer les consciences et d'ouvrir les yeux à tous. Tous les hommes se valent, quelle que soit leur couleur de peau.

L'auteur adresse ainsi un message sans équivoque. Un grand mal a été fait, on ne peut pas l'oublier, mais il faut avancer. Ensemble. Les noirs doivent prendre leur place dans cette société qui est leur ; les blancs doivent les accompagner et abandonner leurs visions de supériorité.

Il est particulièrement intéressant de lire ce message dans la langue d'origine. Bien qu'ayant lorgné de temps à autre dans le texte traduit par Michel Sciama pour m'assurer d'avoir bien compris un passage, découvrir un texte en version originale est une expérience toujours plus savoureuse. Merci à Folio de nous proposer ce grand classique de la littérature (afro-)américaine en édition bilingue !