Les Chroniques de l'Imaginaire

Jusqu'au prodige - Wallendorf, Fanny

Thérèse est retenue prisonnière par le Chasseur dans une ferme perdue dans le massif du Vercors. Elle partage sa captivité avec des animaux rares (lynx, faucon, murin...) que ce dernier piste et capture vivants afin d’alimenter sa sinistre collection. Des trophées qu’il chérit avec un plaisir pervers et que Thérèse, surnommée « la Souillon », est chargée d’aller les nourrir dans le grenier.

Un matin, la jeune fille trouve enfin le courage de s’enfuir après quelques tentatives malheureuses. Elle ne cesse de se répéter les précieuses indications géographiques que son frère lui avait données avant qu’ils ne soient séparés par l’Exode provoqué par la guerre. 

Elle court jusqu’à perdre haleine à travers la forêt mais, au fur et à mesure de son avancement, la nature se fait complice, tel un refuge qui apaise sa terreur et semble la protéger de la noirceur et de la brutalité des hommes.

Sauvage et ardente, Thérèse fuit tel un animal traqué et affamé sans jamais pour autant perdre espoir de tenir la promesse faite à son frère. Trois jours et trois nuits pour retrouver son passé et son avenir, dans un paysage où bêtes et hommes se cachent pour survire ou pour tuer.

Un texte court qui se lit vite tant il est prenant et percutant. On est plongé directement dans cette évasion sans trop saisir au départ le contexte (lieu et temporalité) où l’on se trouve.

Progressivement, au fil des différentes étapes de la fuite de Thérèse, on comprend, à travers les quelques indices semés comme le Petit Poucet avec ses cailloux, que le cadre de l’intrigue se situe dans nos forêts françaises, durant la Seconde Guerre mondiale. 

C’est une sensation très étrange de prendre conscience de l’environnement en même temps que l’avancée de la lecture et de réaliser que le hameau tant recherché existe bel et bien dans la réalité. C’est en tout cas une immersion très réussie que l’on vit en apnée, comme par procuration, pour ne pas donner signe de vie et se risquer à tout perdre.

Une lecture vive et majestueusement poétique tant la nature vibrante décrite par Fanny Wallendorf donne l’impression de participer tout entière à cette quête de liberté. L’autrice, que je découvre par hasard, subjuguée par la beauté de l’illustration sur la couverture, livre en peu de pages une ode initiatique qui alerte, émeut et console pour somme tout mieux nous captiver !