De juin 1803 à janvier 1804, François-René de Chateaubriand séjourne à Rome, parcourt Tivoli et la villa Adriana, est reçu par le pape au Vatican, visite Naples, gravit le Vésuve et fouille Pompéï puis s'échappe à Venise.
Après Goethe, et comme Germaine de Staël ou Stendhal, il voit dans sa première rencontre avec l’Italie un moment décisif de son parcours d’homme et d’écrivain.
Riche de ses impressions, il les recueille dans un texte composite fait de lettres, d'extraits de journal intime et de notations prises sur le vif, mêlant souvenir de voyage, observations des monuments et des œuvres d’art, méditations sur l’histoire qui seront publiés en 1827, bien après le moment du séjour.
Son récit est une marche funèbre parmi les ruines et les tombeaux de l’Italie antique mais demeure aussi une célébration de la beauté des paysages, sublimés par les jeux d’ombres et de lumières qui offrent une image kaléidoscopique de ce qu’est l’Italie pour Chateaubriand.
Porté par une langue qui s'exerce avec plaisir à une vaste palette stylistique, l’auteur y déploie une réflexion profonde sur les différentes temporalités qui composent la vie humaine : « Je remonte dans ma vie passée ; je sens le poids du présent, et je cherche à pénétrer mon avenir. » Et ce qui paraît fou, dans mon langage à moi, c’est que c’est toujours un schème de pensées que beaucoup traversent, peut-être même sans savoir que c’est un des traits majeurs du courant romantique.
Ici, le marbre des statues rappelle la fuite du temps, tandis que l’existence présente s’incarne dans ce qui est fragile et éphémère : l’impression d’une promenade nocturne, la beauté d’une chevelure ou encore la grâce d’une fleur. Prestiges de la lumière et poésie de la nuit au rythme du voyage, ce livre s’avère être un chef-d’œuvre oublié du romantisme.
Peu avide de ce genre de réminiscences littéraires, j’avais pourtant choisi ce livre pour me replonger dans des voyages précédents où, partie de Lyon au même âge que l’auteur, j’avais également traversé Saint-Jean-de-Maurienne pour faire halte à Turin, puis Milan. Et enfin plus tard, foulé Florence, Pise, Rome puis Naples.
Pas tout à fait dans cet ordre-là mais qu’importe, l’idée était de prendre du plaisir à comparer les époques et chercher quelques similitudes à travers la sensibilité des émotions propres aux premiers instants, aux découvertes et autres multiples contemplations qu’offrent ces villes iconiques de l’Italie.
D’autant que, de mémoire scolaire, Chateaubriand savait saisir « la magie du moment » et capturer « l’instant fait du scintillement de sensations » qui pulsent dans le quotidien. Moi bêtement j’attendais quand même aussi un peu qu’il cède à la tentation de la description, même peu précise ou au pire académique, des monuments.
Pour ça, j’ai pu me consoler avec les gravures de paysages italiens insérées parmi les différents textes choisis dans cette édition présentée, établie et annotée par Jean-Marie Roulin, professeur à l’université Jean Monnet de Saint-Étienne.
Un ouvrage vraiment complet, finement étudié et accompagné d’une chronologie bien pratique ainsi que d’une annexe riche en dossiers explicatifs avec bibliographie et environ soixante pages de notes détaillées.
Mais ce n’est pas une lecture aussi confortable que je l’aurais cru et j’ai quelque peu traîné pour me frayer un chemin entre les rêveries mélancoliques, les vers latins et les analyses politiques contenues dans ces diverses lettres.
Bien qu’elles soient pertinentes et instructives sur le contexte idéologique, historique et religieux de cette période, à la différence des formulations de Stendhal par exemple, elles ne m’auront cependant pas totalement réconciliée avec les grands classiques de la littérature.