Normandie, IXème siècle. Il y a quelques années, Tarik a perdu son frère, assassiné, et sa mère Galwinthe a longtemps cherché son corps dans la forêt afin de lui consacrer les derniers rites pour son passage vers l’au-delà. Encore adolescent, Tarik se perd dans l’alcool et les arnaques à la petite semaine. Taraudé par le remord, persuadé que c’est sa faute si son frère est mort, et ayant l’impression que le fantôme de son frère l’accompagne, Tarik n’arrive pas à faire son deuil et ne rêve que de vengeance. Il veut retrouver ceux qui les ont attaqués, son frère et lui, pour les tuer et enfin faire taire ses remords.
Galwinthe, elle, se perd dans d’anciens parchemins, cherchant le moyen d’aider son fils ainé à passer dans l’au-delà. Elle étudie d’anciennes croyances et traduit des rites ancestraux pour trouver comment apaiser l’âme de son fils, qu’elle imagine errant dans la forêt, souffrant d’être coincée sur le plan terrestre.
La communication entre Galwinthe et Tarik est difficile, et aucun des deux n’arrive à se comprendre, et surtout à comprendre l’autre. Chacun à leur façon, ils essaient d’avancer sur le chemin du chagrin, sans arriver à faire complètement leur deuil.
Cette BD est pour moi un grand coup de cœur. Pourtant, après un début d’histoire assez violent et qui ne sera expliqué qu’à la fin du volume, j’étais un peu sceptique quant à la narration. Et d’un seul coup j’ai été happée par le chagrin de cette mère et celui de son fils et de leurs tentatives d’avancer chacun à leur façon.
Entre colère pour Tarik, et une forme de résignation pour Galwinthe, on suit le cheminement qui va enfin les mener à l’apaisement, en comprenant comment et pourquoi Aldarik a été assassiné. Et c’est cette révélation qui apporte toute la force à la dernière partie du récit, ouvrant d’un seul coup toutes les portes qui nous cachaient le passé et qui permettent de comprendre comment la tragédie s’est nouée jusqu’à la rédemption finale. Et expliquant, en même temps, les premières pages d’une violence inouïe.
C’est une BD sur le deuil, mais aussi une BD sur une histoire familiale, sur les relations entre un fils rongé par le remords, et une mère rongée, elle, par un chagrin immense. Et malgré ce chagrin, Galwinthe va arriver à ne pas céder à la haine et à la vengeance, et va inciter son fils à renoncer à la sienne. J’ai trouvé ce moment extrêmement intense, quand, au lieu de tuer à son tour la personne qui l’a privée de son fils, elle lui laisse la vie pour que celle-ci se souvienne de sa miséricorde et prenne conscience de ce que la vengeance implique. Tarik d’ailleurs ne comprend pas immédiatement pourquoi sa mère est miséricordieuse, et il doute que l’absence de vengeance soit quelque chose de positif.
La narration est fluide, soutenue par des graphismes dont le modernisme souligne de manière inhabituelle le côté historique. La colorisation n’est pas en reste, apportant une palette de couleurs très intéressante au fil des pages. En effet, loin de se cantonner à une palette sombre, l’autrice nous fait profiter de couleurs parfois flamboyantes, parfois plus atténuées ce qui donne un côté réaliste à la narration, tout en soulignant parfois les sentiments que les protagonistes éprouvent.
Une très belle réussite pour la première BD de cette autrice et un grand coup de cœur pour moi sur un sujet difficile à aborder.
A noter qu'en début de volume, une playlist musicale est proposée pour accompagner notre lecture.