Les haikus, courts poèmes japonais, existent depuis plusieurs siècles. La préface de Corinne Atlan et Zéno Bianu nous explique clairement quelles sont leurs origines, leurs évolution et leurs caractéristiques. Servant d'abord d'introductions à des textes en prose ou leur étant intégrés, ils se sont petit à petit détachés pour constituer des œuvres à part entière.
Mais rappelons-ce qu'est un haiku : il s'agit d'un poème de dix-sept syllabes qui tiennent sur une ligne, là où le français le traduit par trois lignes sur le schéma 5-7-5. Le haiku doit répondre à trois critères : la métrique, le kireji (mot de césure, traduit en français par un signe de ponctuation) et le kigo, qui fixe le poème dans une temporalité saisonnière. Car le haiku, c'est saisir l'instant présent, en inscrivant un évènement fugace dans le cours immuable des saisons.
La culture japonaise accorde une grande importance au découpage du temps et des saisons. C'est pourquoi il y a vingt-quatre saisons au Japon, et soixante-douze moments de saison. Il existe ainsi des centaines de terme pour désigner la pluie, selon qu'il s'agit d'une pluie d'hiver ou de printemps, de son intensité. La calligraphie japonaise retranscrit les mots en leur donnant une esthétique qui amplifie la poésie, ce qui malheureusement échappe au lecteur français. La tâche de traduire des haikus le plus fidèlement possible n'est donc pas aisée, mais gageons que les traducteurs passionnés s'efforcent de nous les transmettre dans toute leur pureté et leur beauté.
Nous trouvons dans ce recueil deux ensembles de haikus, l'un consacré à l'automne et l'autre à l'hiver. Corinne Atlan et Zéno Bianu ont pris le parti de sélectionner les poèmes uniquement selon ces thèmes, mélangeant ainsi les haijin (poètes de haikus) à travers les époques. Bashô, le maître haijin qui a donné ses lettres de noblesse au genre au XVIIème siècle, côtoie donc entre autres le célèbre Kobayashi Issa du XVIIIème siècle et Ozaki Hôsai qui a connu le tournant du XXème siècle. Toutes ces voix s'entremêlent pour isoler les évènements fugaces des saisons, en trois lignes.
Comme toute œuvre de littérature, chaque haiku résonnera différemment pour chaque lecteur. Certains nous laisseront indifférent, d'autres nous éblouiront. Ce qu'il y a de beau dans le haiku, c'est qu'il frappe immédiatement. A picorer ces textes ancrés dans une saison, on peut être touchés trois fois par page. C'est une poésie de l'instant autant pour l'auteur que pour le lecteur. Le haiku insuffle de la grâce dans le quotidien avec une simplicité apparente. Si la poésie de l'instant est une notion qui vous parle, ce recueil de plus de cent-cinquante haikus autour de l'automne et de l'hiver a toutes les chances de vous séduire.
Mes yeux
qui ont tout épuisé
reviennent au chrysanthème blanc.
Kosugi Isshô (1652-1688)