Les Chroniques de l'Imaginaire

Neeting life (Neeting life - 1) - Tsutsui, Tetsuya

Si la pandémie du Covid-19 a été une catastrophe pour la plupart des gens et le confinement une épreuve, Kentaro Komori ne l'a pas du tout vécu comme ça. Pour lui, c'est une aubaine ! Cela fait des années qu'il met de côté tous les mois pour pouvoir se retirer de la vie professionnelle et sociale, afin de vivre chez lui sans devoir mettre un pied dehors. Alors quand à cause du chômage technique l'entreprise dans laquelle il était employé a demandé qui était intéressé par une rupture conventionnelle, il a saisi l'opportunité de mettre son plan à exécution. Il allait enfin pouvoir vivre son rêve : rester chez lui sans devoir rendre de comptes autres que pour les factures de la vie courante.

Le comportement de Kentaro s'appuie sur le phénomène des NEET ("not in education, employment or training"), terme qui désigne les jeunes de 15 à 35 ans qui ne travaillent pas, n'étudient pas et ne suivent pas une formation. Des jeunes qui se laissent vivre aux crochets de leurs parents mais pas seulement, il peut s'agir de personnes qui souhaitent travailler mais ne trouvent pas d'emploi. Etre NEET n'est pas forcément un choix. Or Kentaro, lui, a choisi de se couper du monde pour vivre à son rythme. Mais s'il ne bascule pas dans la catégorie des hikikomori, nom qu'on donne aux jeunes qui ne sortent pas de chez eux et vivent dans une bulle en décalage avec le reste du monde, c'est que Kentaro a bien mûri son projet et se fixe un plan de vie qu'il ne subit pas.

Kentaro a mis au point tout un système ingénieux pour ne pas avoir à sortir. Il a installé un vide-ordures avec l'accord de son propriétaire - il trie ses déchets d'ailleurs ; il a installé des étagères avec un mécanisme qui lui permet de savoir quand le livreur dépose ses colis - car Kentaro fait ses courses en ligne, évidemment. Il fait attention à son hygiène de vie - il serait fâcheux de devoir aller chez le médecin. Il prend soin de son sommeil. Tout est fait pour qu'il puisse profiter de son temps au mieux, sans pression, sans contrainte. Un soulagement pour cet ancien commercial qui vivait mal l'esprit de compétition de son entreprise, l'injonction à faire toujours plus de chiffre. Tout cela est derrière lui pour plusieurs années encore. Dormir, regarder des films, lire, écouter de la musique, se nourrir. Il n'en faut pas plus pour qu'il se sente enfin bien.

Mais deux évènements vont venir bousculer son quotidien calme et bien réglé. L'un sera perturbant au départ mais avec un peu de bonne volonté, il pourra s'en accommoder. L'autre est nettement plus inquiétant...

Ce seinen original a le mérite d'être distrayant tout en offrant une réflexion sur les obligations qu'on nous impose au jour le jour. Il faut gagner de l'argent, consommer, être le meilleur. Et lorsqu'on veut se couper de tout ça, on passe pour un marginal. Kentaro le sait bien et c'est aussi pour cela qu'il ne veut plus voir personne. En restant seul, il n'a pas besoin de se justifier. Il peut se contenter de vivre comme ça lui chante. C'est un point de vue d'autant plus intéressant que Kentaro semble une personne réfléchie et sensée, qui a seulement besoin de vivre en restant aligné avec lui-même.

Les mésaventures qui vont surgir donnent du piquant au scénario qui gagne en suspense à la fin de ce premier tome et nous rendent très curieux de la suite. A suivre !