Ce volume regroupe une réédition de trois romans parus isolément. Dans les trois cas, l'écrit a une importance centrale, qu'il s'agisse de la lettre du premier, du papier mystérieux dans le deuxième, ou de la longue correspondance reproduite dans le troisième.
Arsène Lupin et le mystère d'Arsonval : après la réunion mondaine organisée chez elle, et qui avait rassemblé d'une part le Tout-Paris mondain et les savants venus assister à la démonstration brillante du Professeur d'Arsonval, la marquise d'Arnac se rend compte que la dernière lettre de son amant, le commandant Esterhazy, a disparu. Or, outre l'aspect personnellement compromettant de cette missive, celle-ci achève également de démontrer l'innocence du capitaine Dreyfus. Comme tous les invités étaient bien sûr au-dessus de tout soupçon, l'inspecteur Ganimard a bien du mal à mener une enquête digne de ce nom.
Un portefeuille toulousain : rentrant de vacances plus tôt que prévu avec sa famille, le professeur Emilien Rébeyrol a la mauvaise surprise de surprendre un cambrioleur dans son bureau. Aucun doute dans son esprit : on en veut à sa thèse, qui vise à assimiler le cor de Roland, conservé dans un musée voisin, au Graal, que bien sûr les Cathares cherchent à récupérer à tout prix, et le voleur cherchait la preuve dans ses papiers. Pendant ce temps, la conservatrice du musée en question cherche à trouver le courage de rendre à son amie Mlle de Cantelou un portefeuille trouvé au cours de la démolition d'une maison close fréquentée par les officiers de la Gestapo, lequel contient une carte de visite au nom de son frère, collabo notoire.
Bérets noirs, bérets rouges : après la mort de son ancien ami Félix, Bruno Wolff ne peut plus supporter le mystère qui a entouré le mystère de l'enfance de Félix et de sa sœur Zoé. Aussi entre-t-il en contact avec Robert Chavasson, un expert-comptable dont il soupçonne qu'il pourrait appartenir à leur famille. Afin de le convaincre de l'aider, il raconte laborieusement l'histoire de ses liens avec Félix et Zoé, et le souvenir de la scène qui aura pesé sur toute leur vie, exacerbé par le contexte de la guerre d'Algérie.
Sans doute Maurice Leblanc n'aurait-il pas renié le premier roman, où l'on voit un Arsène Lupin aussi primesautier, habile acteur et manipulateur, qu'on le connaît. L'auteur restitue habilement l'atmosphère de cette fin d'affaire Dreyfus, mais aussi de la fin de la société des salons parisiens. Le rythme est vif, l'écriture ironique et le personnage du professeur d'Arsonval, dont le lecteur comprend dès le début que l'identité a été usurpée, est attendrissant, suffisamment pour ne pas être trop ridicule.
Le narrateur du second roman, en revanche, n'est pas épargné, et apparaît comme un cuistre en plus d'être un hypocrite. L'ombre de Mauriac et celle du Pierre Benoît de Montsalvat planent sur un style qui pastiche fort bien ces romans d'après-guerre. L'alternance des points de vue permet d'évoquer une période certes passée, mais qui est encore dans toutes les mémoires, celle de la seconde guerre mondiale, des actions, ou des inactions, de chacun, et des troubles de la Libération. Si j'ai trouvé la résolution un peu rapide, et le motif du vol assez peu crédible, l'histoire n'en est pas moins plaisante et intéressante à lire.
Le troisième roman est sans doute le moins passionnant, même si l'articulation entre les évènements de la Libération et ceux de la guerre d'Algérie est habile, tout comme la description de la folie grandissante de l'un des protagonistes. Les personnages sont détaillés, et aucun n'est épargné par l'auteur. Toutefois, si chacun a ses ridicules et ses lâchetés, ils sont aussi peints avec une grande attention portée à leurs blessures, et paraissent profondément humains.