Les Chroniques de l'Imaginaire

Kosigan, un printemps de sang - Cerutti, Fabien

Le Bâtard de Kosigan a dû fuir sa terre natale pour sauver sa vie. Il n'a toutefois jamais cessé de vouloir y retourner : Kosigan, c'est chez lui. Même si son ancien mentor, espion en chef du Comté, le commandeur Slynt Carrasyan, lui a envoyé un sauf-conduit en lui demandant son aide, il n'en est pas moins méfiant, et a pris des précautions avant de se jeter dans ce qui pourrait être la gueule du loup. Pas assez, pourtant.

L'une des précautions en question est d'envoyer son ancienne lieutenant des Loups, Dùnevia Illavaëlle, enquêter dans le comté d'Albret voisin pour essayer d'y découvrir l'origine du mal mystérieux qui met aux portes de la mort Borogar de Kosigan, l'oncle du Bâtard. Dùn comprend très vite qu'Albret n'est pour rien là-dedans, notamment du fait que le comté vient d'être attaqué. Dùn est capturée et rejoint en prison les hommes d'armes survivants de la famille régnante massacrée. Elle s'échappe avec eux pour rejoindre la dernière fae de Bourgogne, qui saurait peut-être comment ré-enchaîner le dragon rouge qui a semé la mort du haut du ciel.

Pendant ce temps, le connétable Olivier de Montfort est envoyé à la cour de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, pour négocier avec lui un traité de paix, au nom du roi de France Charles V. Il apprend très vite, toutefois, que le roi n'a pas l'intention de vivre en harmonie avec son puissant voisin oriental, mais bien de l'envahir en profitant du fait que l'ennemi anglais est pour l'instant immobilisé. Ce qu'il demande à Montfort, pour l'instant, est surtout de gagner du temps.

Le roman se déroule dans l'univers des aventures du Bâtard de Kosigan, comme son titre l'aurait indiqué à soi seul, mais peut parfaitement se lire seul. En revanche, les lecteurs et lectrices devraient être averti.es qu'il appelle une suite. En effet, si l'intrigue exposée ici arrive à un moment de pause propice à une fin de tome, les évènements globaux, "historiques", n'ont atteint aucune résolution, et on ne sait pas vraiment ce que font les Français ni les Bourguignons au moment où s'interrompt l'histoire.

Pour celleux dont ce serait le premier contact avec l'univers créé par Fabien Cerutti, il s'agit d'une riche histoire alternative. Dans son XIVe siècle où les races anciennes ont de plus en plus de mal à cohabiter avec des humains toujours plus christianisés, les personnages historiques que nous connaissons, au premier rang desquels les dirigeants du temps, Charles V et Philippe le Hardi, n'hésitent pas à utiliser leurs talents particuliers pour assouvir leurs propres ambitions. Ce roman enrichit cet univers en mettant au centre ces conflits politiques, qui dépassent largement le Bâtard.

Ce personnage charismatique, intrigant et haut en couleurs ne s'ennuie jamais... et son lecteur non plus ! L'essoufflement peut guetter, en revanche, avec les retournements constants de situation et d'alliances, mais c'est une constante du style de l'auteur, comme l'est l'abondance d'hémoglobine : ce n'est pas une lecture pour celleux qui recherchent une histoire bisounours, mais c'est une description crédible de ce violent Moyen-Âge pétri de guerre. La touche de mystère personnel qui clôture le tome maintiendra le suspense pour celleux qui attendent depuis le début la résolution de l'énigme qui concerne le noir sang de Kosigan. En somme, un roman dont on tourne les pages sans s'en apercevoir, tenu.e en haleine par les aventures alternées du Bâtard et de Dùn.