Catherine Lézin, journaliste au quotidien Le Soir, est chargée par son rédacteur en chef, à sa grande surprise, de suivre le procès de deux mineurs italiens rescapés de la catastrophe de Marcinelle où plus de deux-cent-cinquante mineurs sont morts lors d'un coup de grisou. Les deux hommes sont accusés d'avoir profité de la catastrophe pour régler son compte à leur porion qui était connu pour être un véritable tyran avec ses mineurs.
Plutôt habituée à écrire une rubrique "féminine", Catherine s'interroge sur la raison de sa nomination alors qu'elle n'a aucune expérience de ce type et qu'elle est peu considérée par tous les autres journalistes de la rédaction qui pensent qu'une femme n'est bonne à écrire que sur la mode ou la cuisine. Le rédacteur lui demande d'apporter un regard neuf et féminin pour relater ce procès tout en la mettant en garde de ne pas se rater sur la chance inespérée qui lui est donnée.
Catherine se rend alors à Charleroi pour assister au procès au milieu de ses nombreux confrères masculins qui jettent sur elle un regard narquois et condescendant. Elle se sent d'autant plus impliquée qu'elle était sur les lieux de la catastrophe le jour où c'est arrivé et qu'elle a vu le désarroi des victimes et la détresse des familles de ceux qui étaient bloqués au fond de la mine. D'abord un peu perdue par la procédure d'un procès, Catherine se prend d'intérêt pour les accusés, guettant des réponses dans leurs réactions. Rapidement, elle se rend compte qu'il y a des manques, des zones d'ombre dans l'enquête qui a été effectuée exclusivement à charge. Alors Catherine s'interroge, est-ce le fait qu'ils sont italiens, qu'ils ne maîtrisent pas parfaitement la langue qui fait d'eux de parfaits coupables ?
La journaliste va alors tenter de chercher la vérité et par l'occasion revenir sur son passé, elle qui a francisé son nom pour effacer ses origines polonaises.
Paul Colize dans ce roman policier nous parle d'une véritable catastrophe minière qui a eu lieu en Belgique, et grâce au procès que nous suivons au travers des yeux de la journaliste, il aborde le sujet de la place des femmes à l'époque des années cinquante. Mais pas seulement, il nous montre aussi ce que subissaient les travailleurs étrangers en Belgique, italiens la plupart du temps, qui faisaient des métiers durs et travaillaient dans des conditions déplorables. Des travailleurs qui faisaient ce que les Belges ne voulaient plus faire, qui subissaient la loi des grandes entreprises qui les employaient, les exploitaient, tout en subissant les sarcasmes des Belges et le racisme les ramenant à leur condition d'immigrés voleurs de pain.
L’auteur nous fait suivre le long déroulé du procès, les joutes verbales, les difficultés de la défense des accusés sans nous ennuyer une seule seconde. C'est vivant, fluide et il maîtrise parfaitement son intrigue qui est sans temps mort. Les moments où Catherine mène son enquête permettent de couper le rythme du procès et du roman tout en apportant du suspense et du fond à l'histoire.
Les joutes entre le procureur et l'avocat des accusés sont délectables, les personnages sont tous charismatiques et l'on arrive facilement à les visualiser, les imaginer. La catastrophe minière, toile de fond du roman, permet d'amener un éclairage sur les conditions terribles dans lesquelles travaillaient les mineurs, et sur la vie de ces innombrables travailleurs immigrés qui ont fait le sale boulot tout en étant méprisés par les habitants des pays qui les faisaient trimer à leur place.
Par l’intermédiaire de son personnage principal, l'auteur nous montre le long chemin que les femmes ont dû parcourir pour se faire une véritable place dans la société autre que mère ou femme au foyer. Les moqueries, le manque de considération, la condescendance qui ont accompagné ces femmes qui cherchaient à exister autrement que par leur mari.
Paul Colize a toujours le don de faire d'un sujet plutôt anodin en apparence un roman policier qui est un véritable page turner que l'on ne lâche pas de la première à la dernière page. En complément de cette lecture, vous pouvez découvrir la bande dessinée Macaroni ! de Thomas Campi et Vincent Zabus qui décrit la vie de ces travailleurs italiens venus en Belgique pour espérer avoir une vie meilleure.