Fin juin 1950, les forces nord-coréennes ont envahi la Corée du Sud. Pendant ce temps à Paris, Henri de Turenne, jeune reporter à l'AFP, est convoqué par son patron. Celui-ci veut l'envoyer là-bas pour suivre les événements et l'intervention des États-Unis dont les troupes sous mandat de l'ONU vont débarquer en force. Henri hésite quelques instants car il doit se marier dans un mois, mais l'envie de couvrir un conflit et de devenir un vrai journaliste de terrain le pousse à accepter. En escale au Japon, il rencontre d'autres correspondants de guerre qui deviendront ses amis. Ensemble ils débarquent en Corée du Sud où les troupes nord-coréennes ont forcé les Coréens et Américains à évacuer Séoul et se replier au sud de la péninsule.
Henri voit ses premiers morts puis, étant au plus près des combats, il voit disparaître certains de ses camarades. Il subit les attaques nord-coréennes, suit les soldats se repliant et couvre les contre-attaques de la coalition qui repoussent au Nord l'ennemi. Les destructions sont nombreuses, les civils ne sont pas épargnés, Henri tente de garder la tête froide pour relater les évènements et surtout pour rester en vie. Car autour de lui c'est l'hécatombe, des collègues étrangers et des amis meurent ou disparaissent.
Au bout de huit mois épuisants physiquement et nerveusement, Henri retourne en France où ces écrits lui vaudront le prix Albert Londres.
Cette bande dessinée est passionnante et instructive, car moi qui pensais connaître un peu la guerre de Corée, je me rends compte après cette lecture que je n'en avais qu'une connaissance très partielle. Je ne savais pas que la Corée du Sud avait été presque totalement envahie et que cette guerre avait failli être terminée en quelques semaines au profit des forces communistes. Je savais les conditions terribles subies par les combattants, le froid, la férocité des Coréens du Nord ou du Sud, mais c'est autre chose de le voir relater par quelqu'un qui a vécu cela et surtout de voir les images qui marquent souvent bien plus que les mots.
Cet album n'est pas qu'une histoire sur la guerre de Corée, c'est surtout celle d'un homme, d'un reporter et plus précisément d'un correspondant de guerre. Les conditions de vie et de travail des correspondants étaient aussi dures que celles des troupes qu'ils suivaient sur le terrain. Les risques pris étaient énormes et l'on oublie parfois que ces reporters jouaient avec leur vie pour nous informer et raconter ce qu'est un conflit armé. Car leur rôle n'était pas de nous parler que des combats, ils nous décrivaient aussi les conséquences des combats sur les civils qui subissaient le feu des deux camps et ne pouvaient que tenter de survivre aux destructions. Le prix à payer a été lourd pour eux aussi, douze d'entre eux sont morts en un mois au début du conflit.
Henri de Turenne a été marqué par cette guerre et ses écrits lui vaudront le prix le plus prestigieux des journalistes francophones en 1951, le prix Albert Londres.
Les dessins de Rafael Ortiz sont plutôt classiques mais collent parfaitement à l'époque et au thème. Les planches sont colorées avec une prédilection pour les tons ocres et verts. Les passages plus sombres sont marqués par des teintes plus ternes. Le conflit est relativement facile à suivre grâce au déroulé de l'action et les retours en arrière sont précieux pour comprendre l'homme qui nous narre les évènements. J'ai aimé la partie documentaire en fin d'ouvrage, excellent complément de ce roman graphique rendant hommage à une profession décriée.
Cet ouvrage est le premier d'une série consacrée à mettre en valeur un lauréat du prix Albert Londres. A l'heure où les journalistes sont vilipendés en France et partout dans le monde, je salue cette initiative qui met en valeur un métier qui a certes bien changé mais qui est important dans une démocratie. J'attends donc avec impatience la sortie des prochains albums.